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la terre ancestrale

c’est grâce à lui, cependant, si je suis devenue une observatrice de la nature. Quand je le voyais, malgré son âge, abandonner les méthodes surannées, pour appliquer à la culture, à l’élevage, un système nouveau, plus attrayant, plus lucratif, j’en concluais que mes connaissances pouvaient me permettre de mieux comprendre mon ouvrage. Aussi, comment aurait-il pu ne pas aimer son labeur, et sa terre citée comme la plus belle à plusieurs lieues à la ronde.

— Adèle, écoute : j’en ai les oreilles cassées de cette lubie ; on n’entend parler que de la terre et de la campagne. Eh bien, je te le dis franchement : je n’en veux plus de cette histoire. À la ville, j’ai une bonne position, je fais mes dix heures d’ouvrage, et après : c’est fini.

— Pauvre frère ! Oui, on te débouche les oreilles, mais tu n’entends pas plus ; on t’éclaircit la vue jusqu’à t’en crever les yeux, mais tu ne veux pas regarder. Ton travail dans les fabriques ! il est comparable à celui d’un cheval qui, toute la journée et tous les jours, tourne le cabestan. Pas plus de joie, pas plus d’ambition, pas plus d’attrait. Tu manœuvres comme une machine dont le ressort serait monté pour dix heures.

La brave jeune fille, s’enflammant, se leva avec l’éclat de l’héroïsme dans les yeux.