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la terre ancestrale

qu’il priait, devant la dépouille de son père, la lumière se faisait en lui. Son erreur, sa faute, son égoïsme, comme autant de témoins accusateurs, se dressaient devant lui ; leurs formes, de plus en plus précises, se dessinaient mieux dans son esprit. Il vit sa conscience, sans voiles, et se reconnut coupable. Les remords, les accusations justifiées, les regrets, les aveux de culpabilité, entremêlés dans son âme, gonflaient sa poitrine de leur masse ; et par des sanglots, se manifestaient à l’extérieur. Il le reconnaissait maintenant : il avait péché, il s’était conduit en égoïste, il avait abandonné son père avec, sur les épaules, un fardeau trop lourd ; il l’avait blessé dans sa fierté, dans son amour ; il l’avait tué moralement, avant de lui enlever la vie corporelle. Sa famille, toutes les personnes affligées, pouvaient bien pleurer, car leurs larmes étaient douces. C’était leur tendresse pour le disparu, leur douleur de le voir parti, qu’elles manifestaient ; mais leur conscience était tranquille ; elles pouvaient regarder le disparu sans baisser les yeux. Pour lui, c’était le remords, la honte du coupable. Il croyait voir son père l’accabler de reproches, le maudire, étendre son bras pour le chasser. Dans sa détresse, comme un enfant, sa pensée se porta vers sa mère. Que pensait-elle ? Qu’allait-elle dire ? Serait-elle le reproche vivant qu’il voyait muet chez son père ? Sa bouche prononcerait-elle les