Page:Côté - La Terre ancestrale, 1933.djvu/121

Cette page a été validée par deux contributeurs.
121
la terre ancestrale

quelque chose de la ville ; j’en ai tâté dans ma jeunesse ; mais ça n’a pas été long, je vous l’assure. Je suis venu m’acheter une terre à crédit. Maintenant, ma propriété vaut dix mille piastres et j’en ai quelques autres mille en plus. Croyez-vous qu’à la ville j’en aurais autant ? j’ai travaillé, c’est vrai, mais moins que je ne l’aurais fait là-bas. Malgré mon âge, je me sens vigoureux comme un jeune homme. Pensez-vous que ma santé serait aussi bonne, si j’avais passé ma vie dans les ateliers ?

Morin, connaissant le caractère malléable de la femme, en homme avisé, approuva les opinions de Pierre Michaud, qui étaient aussi celles de Jeanne.

— Monsieur Michaud, ce que vous dites est parfaitement vrai, répondit-il, personne ne connaît la ville mieux que moi, et je vous approuve. Jusqu’à présent, je n’ai pas eu à me plaindre, et cependant, entre amis, je vais vous confier mes intentions : je veux me ramasser encore un peu d’argent et m’établir ici sur une terre.

— Je t’y engage, mon jeune homme. Vois-tu, un cultivateur sur sa terre est plus roi qu’un roi ; le royaume est plus petit, mais il le tient mieux dans sa main. Être son propre maître, n’avoir à répondre de rien à personne, se dire que chaque heure d’ouvrage ajoute à sa propre richesse, c’est une satisfaction extrême : le cultivateur la