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la terre ancestrale

fluence de Morin, répliqua :

— Pour un qui gagne de l’argent, quelques centaines d’autres végètent.

— Au moins, rétorqua sa femme, on ne travaille pas dur comme sur la terre.

— Pas dur ! répliqua le mari, en s’échauffant. Vois-tu un cultivateur travailler dix heures par jour, pendant trois cents jours de l’année, et sans répit ? Il n’y en a pas un seul. Ici, nous donnons un coup de temps en temps, puis nous avons des loisirs. Comparer notre travail à celui des ouvriers des villes, ce serait ridicule. Ces gens travaillent le double de nous, dans de plus mauvaises conditions et sous l’œil d’un maître. Si nous sommes fatigués, nous avons droit à un repos, eux, non. Si un jour nous ne sommes pas disposés à exécuter un certain travail, nous sommes libres d’en choisir un autre ; là-bas, il leur faut marcher quand même. Si la maladie nous force au chômage, la terre gagne notre vie ; à la ville, le salaire n’entre qu’à la force des bras.

— C’est peut-être vrai, répondit la femme, mais ils sont payés en argent qui sonne dans leurs « poches » pleines.

— Il n’y sonne pas longtemps dans leurs poches. Ils le prennent du patron pour le porter au fournisseur ; c’est toute la sonnerie qu’ils en entendent. Et, j’en connais