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la terre ancestrale

vapeurs perdit ses vives nuances : le rouge devint plus pâle, puis bleu, et enfin gris, pour ensuite se confondre avec le reste de l’obscurité. Au sud, une à une les étoiles commençaient à briller. Comme à l’appel des astres nocturnes, les senteurs montaient de la terre. La rosée, humectant la verdure, paraissait vouloir combattre la chaleur du jour. Les lucioles sillonnaient les ténèbres de leur étincelle bleue. Pendant que les bruits du jour se taisaient avec le départ de l’astre vivifiant, ceux de la nuit, plus discrets, semblaient naître de la noirceur. L’écho moins timide, répétait plus clairement les sons. Les grenouilles même se faisaient complices : « tut, tut, » tout près ; « tut, tut, tut » plus loin ; et toutes en chœur : « ut, ut, ut, ut. »

Comme elles sont reposantes ces paisibles soirées à la campagne, comme elles sont propres surtout à élever l’âme vers son Créateur. Si le soir nous porte au recueillement, nous force à penser à Dieu, la nuit de son côté, favorise les menées de Satan. Autant le soleil sort des nuages dans tout le triomphe de sa splendeur, autant les ombres de la nuit sont timides, rampantes en s’allongeant de l’obscurité. À leur exemple, le chef des ténèbres ne montre pas brusquement sa face, mais sournoisement, la recouvre d’une enveloppe à l’air inoffensif.

C’est ainsi que sous l’apparence de Delphis Morin,