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la terre ancestrale

notre déménagement d’un troisième pour un deuxième et une rue plus aristocratique me souriait fort ; mais, aider au trimbalement des meubles, ne me flattait pas autant.

C’était une atteinte à mes jeunes prétentions que d’exposer nos vieilles nippes en public. Je m’arrangeais donc, autant que possible, pour ne travailler qu’à l’intérieur. Nous avions alors à la maison, notre cousin Louis, fonctionnaire aux douanes. Il était joyeux, plein de ressources et d’esprit. Soudain, maman nous ordonna à tous deux de descendre une énorme boite remplie de cruchons, bocaux et bouteilles vides. Elle était tellement chargée que le contenu dépassait les bords d’un bon pied : impossible de placer le couvercle. Je n’étais pas bien aise de me pavaner dans la rue avec une pareille charge ; je craignais de faire rire les badauds. J’eus donc avec maman une forte discussion à propos de la boîte. Louis nous écoutait en souriant. Il avait déjà son plan, le pendard ! Enfin, bon gré mal gré, nous voilà à la sortie avec notre fragile fardeau. Rendu là, c’était plus fort que moi : je ne me sentais pas capable d’aller plus loin. Je dis au cousin :

— Il n’y a jamais moyen de sortir dans la rue avec cette cargaison ; on va nous prendre pour des acheteurs de bouteilles.

— C’est en effet un peu raide, répondit mon aide.