Page:Busoni - Chefs-d’œuvre poétiques des dames françaises, 1841.djvu/69

Cette page a été validée par deux contributeurs.



BALLADE QUI PRÉCÈDE LE ROMAN DU CHASTEL D’AMOUR.


Ans trop heureulx, où les chants du trouverre
Plains deiz haults faicts d’Ivain et de Tristan,
De pallaiz d’or, plus transparents que verre,
D’aislers coursiers plus vistes que l’Autan,
Frappoient d’oubly césars mesme et soudan ;
Que n’ay-je esclos lors, plutost que naguere,
Lorsqu’à Vénus, sy que fer à l’aymant,
Voloist s’ugnir l’honneur en tout roman !
Roman d’amour ne peult aller sanz guerre.

Non peigne un fol, dont poings et cimeterre
Brisent rochiers, comme a-t-on fait Roland ;
N’ung qu’à luy seul fasse trembler la terre,
Ny monts et tours aggrimpe d’ung élan ;
Veulx mon héroz, tendre, aymable et galant,
Qu’aymé du ciel n’en brave le tonnerre,
Qu’ayt force, esclat, poli du diamant ;
Maiz franc guerrier, sanz quoy plus de roman :
Roman d’amour ne peult aller sanz guerre.
 
Veulx soict d’aymer plus fier que de conquierre ;
Qu’ayt l’air françois, fust-il Angle ou Toscan,
Ayt soing d’amyz plus que de gloire acquierre,
Mesle en son cœur à flammes de volcan
Candeur deiz lys, bonté du pélican ;
Qu’affronte, un pair, roys, fortune et vulguerre,
Gryffon et faye, ogres et talisman ;
Puis qu’en vainqueur couronne le roman
Roman d’amour ne peult aller sanz guerre.