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DES DAMES FRANÇAISES.


Qu’une faveur secrète et surtout le repos.
O Muse ! vous avez exaucé ma prière.
Sans la fuir, mais aussi sans chercher la lumière,
Sous votre empire heureux, avec paix et douceur,
Je savourais votre ambroisie.
Vous glissiez doucement sans exciter l’envie.
A qui ne veut de vous, vous donnez le bonheur
Mais on ne peut chérir les filles de Mémoire
Sans aimer quelque peu la gloire.
Hélas ! de mes vieux ans sort un destin nouveau ;
Et sur le bord de mon tombeau,
Quand je devrais me taire et n’avoir d’autre envie
Que de couler en paix le reste de ma vie,
Je deviens moins timide, et, cédant au désir
D’apprendre ce qui doit me suivre,
Je veux savoir, enfin, si j’ai l’espoir de vivre
Quelques momens dans l’avenir.
J’en crains l’événement, j’en cherche le présage ;
Et dans ce beau projet, dussiez-vous y périr.
Muse, vous m’entraînez et vous voulez courir.
Partez donc, Muse, et du naufrage
Puisse un ciel pur vous préserver.
De maint et maint écueil puisse-t-il vous sauver !
Que de votre nacelle il écarte l’orage ;
Et moi, loin de prétendre à vos faveurs,
Malgré vous je veux être sage.
Oui, je veux renoncer à cueillir quelques fleurs,
Dont rien ne peut, hélas ! rajeunir les couleurs.
On vous suit trop long-temps, c’est un commun usage.
Muse vieille est encor volage ;
Elle fuit, reparaît, prodigue des douceurs
On la crut trop jadis, on la croit davantage ;
Ce penchant s’augmente avec l’âge.
Vainement la vieillesse est là :