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CHEFS-D’ŒUVRE POÉTIQUES

Mais plus souvent encore, écartant le mensonge
Et l’ivresse agréable où son erreur nous plonge,
La vérité venoit y frapper mes esprits.
Bois sacré, sous votre ombre elle m’avoit appris
À juger sainement des biens de la fortune,
À braver des soucis la présence importune,
À priser la vertu sous des dehors obscurs,
À craindre les plaisirs et leurs sentiers peu sûrs.
Votre calme profond dans mon ame inquiète
Sçavoit insinuer une douleur secrète.
Inconnue aux mortels que le monde a charmés ;
J’y venois oublier mille projets formés
Par l’aveugle désir d’une gloire frivole.
Des fragiles humains chère et trompeuse idole.
Chez vous je retrouvois mon esprit et mon cœur,
Qu’égare trop souvent un éclat séducteur.
La nature sans art, la simplicité nue,
Ramenant ma raison, y délassoient ma vue !
Je trouvois le repos, inestimable bien,
Et le bonheur du sage étoit alors le mien :
Inutiles regrets !… Mais pourquoi de mes larmes
Viens-je arroser ici les débris de vos charmes ?
Qu’est-ce qui m’attendrit sur vos mourans appas ?
Dois-je pleurer des maux que vous ne sentez pas ?
Hélas ! en vous voyant, une amère tristesse
Par un secret retour me saisit et me presse.
Tout passe, tout périt. Bientôt, ainsi que vous,
De l’implacable mort j’éprouverai les coups.
La poussière et l’oubli deviendront mon partage,
Et, s’il reste de moi quelque légère image
Que l’amitié sensible ait pris soin de tracer,
Le temps, qui détruit tout, sçaura trop l’effacer.