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DES DAMES FRANÇAISES.

Ah ! crains les dieux vengeurs, crains l’Amour en colère :
Ils entendront les cris d’une jeune bergère
Dont le cœur innocent crut devoir du retour
À qui par mille soins attestoit son amour.
Dieux justes ! armez-vous, accablez ce parjure ;
Que les cuisans remords lui servent de torture ;
Qu’à son tour il essuye et mépris et fierté ;
Qu’il éprouve l’horreur d’une infidélité ;
Qu’il soit enfin réduit, dans l’excès de sa peine,
À désirer en vain la tendresse d’Ismène
La désirer en vain ! Que dis-je ? Quelle erreur !
Puis-je éteindre ce feu d’où dépend mon bonheur ?
Pardonne ces transports d’une amante éperdue,
Cher Tircis : mon courroux soutiendroit-il ta vue ?
Pourrois-je mépriser un tendre repentir,
Moi qui, malgré les maux que tu me fais sentir,
Et lorsque je te crois infidèle et perfide,
Ne sçaurois arrêter cette flamme rapide
Qui sans cesse vers toi porte mes vœux ardens :
Viens, parois seulement : mes désirs sont contens.
Le plus grand de mes maux, hélas ! c’est ton absence.
Tout me dit maintenant : l’oubli, l’indifférence,
Ont éteint pour jamais l’amour de ton berger :
Dans des liens plus doux il a sçu s’engager
Ah ! soupçon accablant, mortelle jalousie,
Quels coups viens-tu porter à mon ame attendrie !
Non, Ismène, pour toi, non, il n’est plus d’espoir :
Tircis, en s’éloignant, fuit un triste devoir.
On gênoit son penchant par cet hymen funeste.
Il évite des nœuds que sans doute il déteste.
Va, berger trop aimé, garde ta liberté.
Préfère un vain éclat à la simplicité.
Qu’à de nouveaux désirs ton ame soit en proie :
Ismène fait céder son bonheur à ta joie ;