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DES DAMES FRANÇAISES.


LETTRE

DE MADAME LA MARQUISE D’ANTREMONT,

A M. DE VOLTAIRE,

A QUI ELLE ENVOYAIT QUELQUES OUVRAGES EN VERS.


Monsieur,


Une femme qui n’est pas madame Desforges-Maillard[1], une femme vraiment femme, et femme dans toute la force du terme, vous prie de lire les pièces renfermées sous cette enveloppe ; elle fait des vers parce qu’il faut faire quelque chose, parce qu’il est aussi amusant d’assembler des mots que des nœuds, et qu’il en coûte moins de symétriser des pensées que des pompons : vous ne vous apercevrez que trop, Monsieur, que ces vers lui ont peu coûté, et vous lui direz que

Des vers faits aisément sont rarement aisés.

Elle se rappelle vos préceptes sur ce sujet, et ceux de Boileau, qui partage avec vous l’art de graver ses écrits dans la mémoire de ses lecteurs, et d’instruire l’esprit sans lui demander des efforts. Vos principes et les siens sont admirables, mais ils ne s’accordent pas avec la légèreté d’une personne de vingt-un ans, qui

  1. Il s’agit ici de M. Desforges-Maillard, du Croisic, en Bretagne, poète de ce temps, qui mystifia le public pendant plusieurs années en publiant ses œuvres d’abord sous le nom d’une prétendue demoiselle Malcrai de la Vigne, et ensuite sous celui de sa femme.