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CHEFS-D’ŒUVRE POÉTIQUES


Écoute ; si je suis sincère,
Je te trouve encor des appas ;
Mais tu n’es plus cette bergère
Que mille autres n’égaloient pas ;
Et sur ton aimable figure,
Je vois (souffre la vérité)
Certain défaut de la nature,
Qui me sembloit une beauté.

A ma honte, je le confesse,
Quand j’arrachai le trait cruel,
Mon cœur navré, dans sa détresse,
Crut ressentir un coup mortel.
Mais pour mettre fin à ses peines,
Pour sortir de captivité,
Et pour briser enfin ses chaînes,
Tout souffrir est nécessité.

L’oiseau qui s’est laissé surprendre,
Qui dans le piége est arrêté.
Perd quelques plumes pour reprendre
Sa chère et douce liberté.
Mais bientôt il les voit renaître ;
Et, par le malheur même instruit,
De tout appât qu’il voit paroître
Il ne peut plus être séduit.

Tu crois sans doute que la flamme
Qui jadis consumoit mon sein
Vit encore au fond de mon ame
Lorsque je t’en parle sans fin.
C’est par cet instinct qui nous presse
De peindre les périls passés,