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DES DAMES FRANÇAISES.

Tu n’occupes plus ma pensée
Au premier instant du réveil.
Je m’éloigne de toi sans peine,
Sans désirer de te revoir ;
Et près de toi rien ne m’enchaîne ;
Peine et plaisir sont sans pouvoir.
 
Si je m’entretiens de tes charmes,
Je ne me sens point attendrir ;
Ton injustice et mes alarmes
N’affectent plus mon souvenir.
Je ne sens plus ce trouble extrême
Lorsque tu t’approches de moi ;
Enfin, avec mon rival même,
Je puis encor parler de toi.

Regarde-moi d’un œil sévère ;
Parle-moi d’un ton gracieux ;
Ton mépris ne m’afflige guère ;
Ta faveur est vaine à mes yeux.
Ta voix sur moi n’a plus d’empire.
Non, tu n’as plus l’accent vainqueur ;
Et tes yeux ont, je dois le dire,
Perdu le chemin de mon cœur.

Ce qui me déplaît ou m’attire,
Et ma tristesse et ma gaîté,
N’est plus causé par ton sourire,
N’est point l’effet de ta fierté.
Le bois, la colline, la plaine,
Savent bien me plaire sans toi ;
Mais avec toi, beauté trop vaine,
Tout triste séjour l’est pour moi.