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Est-on l’objet d’un trait qui blesse,
Par la fortune est-on trahi ;
Contre le sort on peste, on gronde,
On s’emporte, et l’on n’a pas tort...
Mais tout cela vaut mieux encor
Que de se croire seul au monde.

Dans une prison solitaire
Qu’un malheureux soit enfermé ;
D’un mal que rien ne vient distraire.
Lentement il est consumé.
Au sein de sa douleur profonde,
Qu’un compagnon lui soit offert...
Au bonheur son cœur s’est rouvert,
Il ne se croit plus seul au monde.

L’avare, dans sa solitude.
Mourant de frayeur et d’ennui ;
Dévoré par l’inquiétude,
Le vieux garçon privé d’appui ;
Le méchant qui blesse et qui fronde,
Et qui gémit loin des secours...
Tous ont empoisonné leurs jours,
Parce qu’ils n’ont vu qu’eux au monde.

Il est pourtant, il faut le dire,
Un doux et cher isolement :
C’est celui qu’un tendre délire
Fait désirer au tendre amant ;
D’une solitude profonde
Alors on craint peu la rigueur...
Quand on n’est pas seul dans son cœur,
On n’est jamais seul dans le monde.