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COMPARAISON

DE LA FIÈVRE ET DE L’AMOUR.


Une brûlante ardeur me court de veine en veine,
Je sens un inquiet chagrin,
Je ne dors non plus qu’un Lutin ;
J’ai l’esprit à l’envers, tout me trouble et me gêne :
Mais si je brûle nuit et jour,
Ce n’est pas des feux de l’Amour.
La chaleur d’une fièvre ardente
Me cause seule ces tourments.
Ceux que donne l’Amour sont encor bien plus grands,
Au moins à ce que l’on nous chante ;
Car, grâce au ciel, jusqu’aujourd’huy,
Je ne connois ce Dieu que sur la foy d’autruy.
Si je puis cependant dire ce qu’il m’en semble,
Sur le rapport de ceux dont son cruel poison
Trouble les sens et la raison :
L’amour dans ses effets à la fièvre ressemble.
La fièvre met les gens en feu,
Fait rêver, rend visionnaire :
Ainsi fait le Dieu de Cithère ;
Ses sujets ne rêvent pas peu.
Chaque amant croit que sa maîtresse
Brille de grâces et d’appas,
Qu’il n’est point d’objet icy-bas
Pareil à celuy qui le blesse ;
Et toutes ces perfections
Ne sont que pures visions