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Ils aiment le danger qui nous tient en contrainte,
Et la frayeur publique a dissipé leurs craintes.
O vous, qui dans la paix faites couler nos jours,
Conservez dans la nuit le repos des amours ;
Que du guet surveillant la nombreuse cohorte
Nous serve à l’avenir d’une fidelle escorte ;
Qu’ils sauvent des voleurs tous les amans heureux,
Et souffrent seulement les larcins amoureux ;
Qu’ils nous ôtent la crainte, et qu’en toute assurance
Nous goûtions les plaisirs de l’ombre et du silence.
En faveur de l’Amour finissez notre ennui ;
Vous n’avez pas sujet de vous plaindre de lui :
Ce dieu, dont le pouvoir domine tous les autres,
En vous donnant ses lois semble avoir pris les vostres ;
Il garde pour vous seul ce qu’il a de plus doux :
Il commande partout et n’obéit qu’à vous ;
Il sépare de vous l’éclat de la couronne,
Et fait qu’on aime en vous vostre seule personne,
Plaisir que rarement les rois peuvent goûter,
Et duquel toutefois vous ne pouvez douter.
Ainsi puisse le ciel, pour vous faire justice,
Au moindre de vos vœux estre toujours propice,
Et remplir votre cœur de joie et de plaisir ;
Mais comme il n’en est point hors l’amoureux empire,
Et qu’un roi ne peut estre heureux s’il ne soupire,
Puissiez-vous, de l’Amour secrètement charmé,
Toujours fort amoureux, estre toujours aimé ;
Et, sans vous désirer de nouvelles conquestes,
Puissiez-vous demeurer dans l’état où vous estes.