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Le trahit elle-même et sert à l’engager.
Si mon repos, Daphné, si ma gloire t’est chère,
En l’état où je suis, dis-moi, que dois-je faire ?
Quand je croirai Tircis plus fort que mon devoir,
Me faudra-t-il résoudre à ne jamais le voir ?
Par un effort cruel, dont le penser me tue,
Priverai-je mes yeux d’une si chère vue ?
Les amours, diligens à servir ses désirs,
À toute heure, en tous lieux m’apportent ses soupirs,
M’expriment ses ennuis, ses transports et ses craintes,
Et d’un air languissant me redisent ses plaintes.
Enfin, il suit partout la trace de mes pas,
Et je le trouve même où je ne le vois pas.
Quand j’espérois encor le bannir de mon âme.
Souvent dans le désir de surmonter ma flamme,
J’évitois ses regards comme un charme fatal ;
Car je me doutois bien qu’aimer étoit un mal ;
Mais, aimable Daphné, j’avois beau me défendre,
Ces subtils enchanteurs savoient bien me surprendre ;
Et c’est ainsi qu’Amour, renversant mes projets.
Va réduire mon cœur au rang de ses sujets.
Dans un si triste état, de mon sort incertaine,
Ah ! que j’ai dit de fois, en rêvant à ma peine :
Désirable repos, aimable liberté,
Unique fondement de la félicité,
Sans qui l’on ne vit pas, pour qui chacun soupire,
Faut-il donc qu’un tyran usurpe votre empire,
Qu’il me fasse oublier vos charmes les plus doux,
Et que ses seuls tourmens me plaisent plus que vous ?
Vaines réflexions ! ma peine est sans remède ;
Mon cœur est trop charmé du mal qui le possède ;
Une douce langueur occupe mes esprits,
Et, perdant tout espoir, je sens que je t’écris,
Non pour chercher la fin de ma douleur extrême,