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Je l’avois combattu, ce dangereux pouvoir,
Par les plus grands efforts qu’exige le devoir.
L’esprit enfin lassé d’une si rude guerre,
Une nuit qui, voilant les beautés de la terre,
Sembloit n’avoir éteint la lumière du jour
Que pour favoriser le dessein de l’Amour,
Et qui, chassant du cœur les importunes craintes,
Mettoit en liberté les soupirs et les plaintes,
Je disois, près des bords d’un bois délicieux,
Qui m’ôtoit aux regards des astres envieux ;
Qu’un mal qu’on trouve doux met de trouble dans l’âme !
Et que d’un feu qui plaît aisément on s’enflamme !
Hélas ! que dans l’ardeur des plus pressans désirs
La pudeur à l’amour dérobe de plaisirs,
Tircis ! et que souvent, à tes désirs rebelle,
Secrettement mon cœur a murmuré contre elle !
Que tes charmans appas ont sur moi de pouvoir !
Et que, dans cet état, je craindrois de te voir !
Je croyois que les vents emportoient mes paroles ;
Mais, las ! je me flattois d’espérances frivoles.
Quelle fut ma surprise ! et que devins-je, ô dieux !
Lorsque soudain Tircis vint s’offrir à mes yeux !
Je le connus malgré les ombres infidelles,
Douces auparavant, en ce moment cruelles,
À sa divine taille, à cet air fier et doux,
Qui surprit tant de cœurs et fit tant de jaloux,
À ce charme secret qui fit naître ma flamme ;
Mais je le connus mieux au trouble de mon âme.