Page:Busoni - Chefs-d’œuvre poétiques des dames françaises, 1841.djvu/142

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Nous aimons mieux, par un bizarre choix,
Ingrats, esclaves que nous sommes,
Suivre ce qu’inventa le caprice des hommes,
Que d’obéir à nos premières loix.
Que votre sort est différent du nostre,
Petits oiseaux qui me charmez !
Voulez-vous aimer, vous aimez :
Un lieu vous déplaist-il, vous passez dans un autre.
On ne connoist chez vous ni vertus, ni défauts :
Vous paroissez toujours sous le mesme plumage,
Et jamais dans les bois on n’a vu les corbeaux
Des rossignols emprunter le ramage :
Il n’est de sincère langage,
Il n’est de liberté que chez les animaux.
L’usage, le devoir, l’austère bienséance,
Tout exige de nous des droits dont je me plains ;
Et tout enfin du cœur des perfides humains
Ne laisse voir que l’apparence.
Contre nos trahisons la nature en courroux
Ne nous donne plus rien sans peine.
Nous cultivons les vergers et la plaine,
Tandis, petits oiseaux, qu’elle fait tout pour vous.
Les filets qu’on vous tend sont la seule infortune
Que vous avez à redouter :
Cette crainte nous est commune.
Sur nostre liberté chacun veut attenter :
Par des dehors trompeurs on tâche à nous surprendre.
Hélas ! pauvres petits oiseaux,
Des ruses du chasseur songez à vous défendre !
Vivre dans la contrainte est le plus grand des maux