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Le ciel mit, en formant les hommes,
Les autres êtres sous leurs loix.
À ne nous point flatter nous sommes
Leurs tyrans plutôt que leurs rois ;
Pourquoi vous mettre à la torture ?
Pourquoi vous enfermer dans cent canaux divers ;
Et pourquoi renverser l’ordre de la nature,
En vous forçant de jaillir dans les airs ?
Si tout doit obéir à nos ordres suprêmes,
Si tout est fait pour nous, s’il ne faut que vouloir.
Que n’employons-nous mieux ce souverain pouvoir ?
Que ne régnons-nous sur nous-mêmes ?
Mais, hélas ! de ses sens esclave malheureux,
L’homme ose se dire le maître
Des animaux qui sont peut-être
Plus libres qu’il ne l’est, plus doux, plus généreux ?
Et dont la foiblesse a fait naître
Cet empire insolent qu’il exerce sur eux ?
Mais que fais-je ? Où va me conduire
La pitié des rigueurs dont contr’eux nous usons ?
Ai-je quelqu’espoir de détruire
Des erreurs où nous nous plaisons ?
Non, pour l’orgueil et pour les injustices
Le cœur humain semble être fait.
Tandis qu’on se pardonne aisément tous les vices,
On n’en peut souffrir le portrait.
Hélas ! on n’a plus rien à craindre,
Les vices n’ont point de censeurs ;
Le monde n’est rempli que de lâches flatteurs ;
Savoir vivre, c’est savoir feindre.
Ruisseau, ce n’est plus que chez vous
Qu’on trouve encor de la franchise ;
On y voit la laideur ou la beauté qu’en nous
La bizarre nature a mise :