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Jeanne d’Albret savait plusieurs langues, aimait et cultivait les sciences, et eut le mérite rare de ne protéger que les poètes et les savants qui étaient probes et bons citoyens.

Il ne reste de cette princesse, recommandable par ses talents, par ses vertus et par son courage, que les vers qu’elle adressa à Joachim du Bellay, en réponse à ceux qu’il avait faits à sa louange, et un impromptu qu’elle fit en visitant l’imprimerie du savant Robert Étienne.


À JOACHIM DU BELLAY.


Que mériter on ne puisse l’honneur
Qu’avez escript, je n’en suis ignorante ;
Et si ne suis pour cela moins contente,
Que ce n’est moy à qui appartient l’heur
Je cognois bien le pris et la valeur
De ma louange, et cela ne me tente
D’en croire plus que ce qui se présente,
Et n’en sera de gloire enflé mon cœur ;
Mais qu’un Bellay ait daigné de l’escrire,
Honte je n’ay à vous et chacun dire,
Que je me tiens plus contente du tiers,
Plus satisfaite, et encor glorieuse,
Sans mériter me trouver si heureuse,
Qu’on puisse voir mon nom en vos papiers.

De leurs grands faits les rares anciens
Sont maintenant contens et glorieux,
Ayant trouvé poètes curieux
Les faire vivre, et pour tels je les tiens.
Mais j’ose dire (et cela je maintiens)