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termine par un décret de Jupiter, portant que désormais l’Amour aura pour guide la Folie. Louise Labé est morte à Lyon en 1566. Il y a encore dans cette ville une rue qui, en mémoire de cette femme célèbre, porte le nom de la Belle-Cordière.


ÉLÉGIE I.


Au tems qu’Amour, d’hommes et dieus vainqueur,
Faisoit brûler de sa flamme mon cœur,
En embrassant de sa cruelle rage
Mon sang, mes os, mon esprit, mon courage :
Encore lors je n’auois la puissance
De lamenter ma peine et ma souffrance.
Encor Phœbus, ami des lauriers vers,
N’auoit permis que je fisse des vers ;
Mais meintenant que sa fureur diuine
Remplit d’ardeur ma hardie poitrine,
Chanter me fait, non les bruians tonnerres
De Jupiter, ou les cruelles guerres.
Dont trouble Mars, quand il veut, l’uniuers,
Il m’a donné la lyre, qui les vers
Souloit chanter de l’amour Lesbienne :
Et à ce coup pleurera de la mienne.
O dous archet, adouci moy la voix.
Qui pourroit fendre et aigrir quelquefois,
En récitant tant d’ennuis et douleurs,
Tant de despits, fortunes et malheurs
Trempe l’ardeur, dont jadis mon cœur tendre
Fut en brûlant demi réduit en cendre.
Je sens desià un piteus souuenir,
Qui me contreint la larme à l’œil venir.