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APPENDICE. — N° VIII.

La définition du Lalita répond parfaitement à l’apparence des images et statuettes jusqu’ici connues des Buddhas ; elle décrit les boucles de cheveux que ces images portent sur la tête, et elle les décrit fidèlement ; car le mot vallita, que deux de nos manuscrits lisent à tort vatnita, doit signifier, « qui est en manière de liane, qui tourne comme une liane ; » et il est également facile de voir sur les statues mêmes, que ces petites boucles si régulières partent de la gauche pour se diriger vers la droite. La version tibétaine est du reste complètement d’accord avec le texte sanscrit en ce qui touche la couleur des cheveux ; ils sont d’un noir foncé, et offrent des reflets comme la queue ou le col du paon, ou comme le collyre noir composé d’antimoine dont les Indiens se servent pour teindre leurs sourcils et leurs paupières. Le sens que j’attribue ici à bhinna en composition avec andjana ne sera probablement pas accepté par tous les indianistes ; car on sait que M. Gildemeister a essayé d’établir par une discussion étendue, que bhinna añdjana désignait « du collyre séparé qui s’en va par parties, » comme les nuages noirs que la violence du vent sépare et déchiqueté en masses irrégulières[1]. Je ne crois cependant pas m’éloigner davantage du sens primitif de bhinna, en le traduisant par « du collyre à la couleur changeante ; » car Westergaard, qui est généralement une autorité très-sûre pour le sens propre des racines indiennes, le rend par diversus, dispar, varius[2]. La mention de la queue ou du col du paon, à laquelle se rapporte aussi l’épithète de bhinna, montre évidemment qu’il s’agit ici de reflets ; les interprètes tibétains le disent en termes positifs : il y a donc toutes sortes de raisons pour croire que bhînnândjana signifie « du collyre changeant, » c’est-à-dire du collyre noir, sur la surface duquel la lumière fait apparaître des reflets changeants.

Les observations précédentes portent uniquement sur le n° 2 de la liste du Lalita ; il est temps de signaler les ressemblances et les différences des autres listes. On remarquera que le Vocabulaire pentaglotte ne saisit dans ce caractère que la direction des cheveux, quand il dit que « le Buddha a les cheveux tournés vers la droite ; » son énoncé est d’ailleurs une altération barbare d’un mot qui devrait se lire pradakchiṇâvartaJtéçaḥ. Il est assez singulier que la liste népalaise, ainsi que les quatre listes de Ceylan, omettent ce caractère ; il est probable qu’ils l’ont cru identique avec le signe défini au n° 22 du Lalita vistara. Cela est en effet assez naturel, et nous verrons, en résumant plus bas ces remarques, ce qui doit résulter de cette identification pour le nombre total des caractères composant ces diverses listes.

Nous sommes actuellement en mesure d’apprécier la justesse des inductions que quelques savants, au commencement de ce siècle, tiraient de l’apparence des cheveux tracés sur les statues des Buddhas. Ces statues, pas plus que les autorités écrites qui les décrivent, ne nous parlent de cheveux crépus, mais bien de cheveux bouclés, deux choses qui sont assez dissemblables pour ne pas être confondues. J’ignore si les savants qui ont vu dans la chevelure d’un Buddha une véritable chevelure d’Africain, avaient sur les caractères distinctifs des races humaines des connaissances plus approfondies que celles qu’un lecteur intelligent peut puiser dans l’étude des livres spéciaux ; à en croire A. Rémusat, les

  1. J. Gildemeister, Die falsche Sanscrit Philologie, p. 8 et suiv.
  2. Radices ling. sanscrit, p. 170.