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APPENDICE. — N° V.

conserve quelques traces d’un hémistiche âryâ ; mais il est aisé de reconnaître que ce sont les nécessités de la langue sanscrite qui ont fait violence au mètre. L’addition de la conjonction hi devant avadat est surtout suspecte à mes yeux ; elle semble introduite à cette place pour produire une longue par le changement de Tathâgataḥ en Tathâgatô que voudrait le mètre. C’est aussi la leçon que donne un des manuscrits du Saddharma de M. Hodgson, qui reproduisant la stance en une seule ligne, en écrit ainsi le milieu, Tathâgatô hêvada. Au reste, pour que le lecteur puisse mieux juger de la différence de la rédaction pâlie et des deux rédactions sanscrites, j’en donne ici la métrique, en suivant l’ordre des trois rédactions exposées au commencement de cette note ; seulement j’appliquerai à la stance pâlie les indications prosodiques de Lassen, et les corrections grammaticales que je viens de signaler comme indispensables.

Métrique du « Yê dhammâ hêtuppabhavâ » en 3 langues

On voit par là que la rédaction pâlie nous donne une stance âryâ, et qu’au contraire la rédaction sanscrite s’éloigne de ce type en plusieurs points importants ; en même temps il est facile de reconnaître que cette dernière rédaction y reviendrait au moyen de quelques corrections, mais que ces corrections, autorisées pour le pâli, ne sauraient être admises pour le sanscrit.

En résumé, je ne puis croire que la rédaction sanscrite soit antérieure à la rédaction pâlie que la tradition nous a conservée, ou en d’autres termes, que la stance pâlie soit une dégradation de la forme sanscrite. Il se peut que les deux stances soient contemporaines, ou peu éloignées l’une de l’autre quant à leur origine ; mais la priorité appartient sans aucun doute à la formule des Buddhistes du Sud. Après cela, je ne veux pas prétendre que cette dernière formule soit celle-là même qui dut avoir cours dans l’Inde parmi les premiers sectateurs du Buddha ; déjà en effet nous avons eu recours au dialecte mâgadhî pour en rétablir le mètre en un point important. Mais il est bien démontré que la rédaction des Buddhistes népâlais a encore moins de droits à passer pour originale ; si elle eût été en effet conçue primitivement en sanscrit, les lois de la métrique y eussent été certainement plus respectées. Au contraire on s’explique très-aisément comment un axiome de ce genre a pu être rédigé d’abord dans un dialecte populaire, pour ensuite revêtir une forme plus classique, quand la doctrine dont elle exprimait le résumé commença à se répandre parmi les classes de la société auxquelles était familier le langage savant consacré à la religion et aux lois.

Je terminerai cette note par quelques mots sur la seconde stance que j’ai laissée de côté jusqu’ici, parce que, suivant la remarque de MM. Mill et Hodgson, elle ne se rattache en aucune manière à celle que je viens d’examiner. Elle mérite cependant notre attention,