Page:Burnouf - Lotus de la bonne loi.djvu/556

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
515
APPENDICE. — No IV.

Tatra vêyyâkaraṇam bhavati
Viññâṇam̃ atidassanam̃ anantam̃ sabbatô pabham̃
Tattha âpôtcha pathavîtcha têdjôtcha vâyo nigâdhati
Êttha dîghañtcha rassañtcha anum̃ thûlam̃ subhâsubham̃
Ettha nâmañtcha rûpañtcha asêsam̃ uparudjdjhati
Viññânassa nirôdhêna êtthêtham̃ uparudjdjhantîti.

« Il ne faut pas, ô Religieux, poser ainsi cette question : Dans quoi, seigneur, ces quatre grands éléments sont-ils anéantis sans qu’il en reste rien, à savoir, l’élément de la terre, celui de l’eau, celui du feu, celui du vent ? Mais voici comment doit être posée la question : Dans quoi l’eau et la terre, le feu et le vent vont-ils s’anéantir ? Dans quoi le long et le court, le subtil et le solide, le bien et le mal, dans quoi le nom et la forme s’anéantissent-ils sans qu’il en reste rien ? À cette question il est fait la réponse suivante : L’intelligence échappe à la vue, elle est sans bornes ; elle est lumineuse de toutes parts, c’est en elle que vont s’anéantir et les eaux et la terre, et le feu et le vent. C’est là que le long et le court, le subtil et le solide, le bien et le mal, c’est là que le nom et la forme s’anéantissent sans qu’il en reste rien. Par la cessation de l’intelligence tout cela cesse d’exister[1]. »

On remarquera qu’il n’est pas question dans ce passage de l’âkâça ou de l’éther qu’énumère le Djina alam̃kâra, à l’exemple d’autres textes. Cette omission n’est sans doute pas accidentelle, et nous avons probablement ici un état ancien des opinions des Buddhistes sur le nombre et la forme primitive des éléments matériels. Dans leur polémique contre les doctrines des Bâuddhas, les Brâhmanes sectateurs de la Nyâya taxent les Buddhistes de ne pas reconnaître l’existence de l’éther[2] ; ces doctrines ont donc varié sur ce point, puisque voici d’un côté un texte pâli de Ceylan qui n’en parle pas, et qui confirme ainsi le dire des Nyâyistes, tandis que, d’un autre côté, un texte sanscrit du Nord admet la réalité de l’éther, contrairement à ce dire même. C’est, du reste, une question que nous serons mieux en mesure de traiter lorsque nous aurons rassemblé un plus grand nombre de textes. Quant à présent je me contenterai de renvoyer le lecteur à un passage de l’Abhidharma kôça vyâkhyâ, que j’ai traduit dans mon Histoire du Buddhisme[3], d’après lequel l’âkâça ou l’espace est donné comme cinquième élément. Je remarquerai en outre que le passage du Sutta pâli que je viens de reproduire est conforme dans ses points principaux à ce que nous apprennent les livres buddhiques du Nord sur le Vidjñâna. Ainsi cet attribut est de part et d’autre un sixième élément : c’est même, suivant un Sûtra intitulé Garbha avakrânti, « la descente au sein d’un fœtus, » l’élément générateur qu’on semble identifier à la fois avec la connaissance et la conscience, et qui est pour l’homme la cause de la prise d’un nouveau corps[4]. Et quant à cette opinion particulière, que le nom et la forme, ainsi que quelques autres attributs abstraits, se résolvent et s’anéantissent dans le

  1. Kêvaddha sutta, dans Dîgh. nik. fol. 58 a et b.
  2. Wilson, Analyses of the Kah-gyur, dans Journ. as. Soc. of Bengal, t. I, p. 377, note ✝.
  3. Introd. à l’hist. du Buddh. indien, t. I, p. 496 et 497.
  4. Ibid. t. I, p. 497.