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APPENDICE. — No IV.

« L’expression de vidjñâna, ou la connaissance, la notion, a pour objet d’exclure les autres choses acquises sans intermédiaire, comme la sensation, etc. Ici le mot manas, intellect ou cœur, est une désignation de genre, et non un terme distributif ; mais quand on l’explique avec l’intention d’en faire connaître le sens comme nom de chose, on l’emploie distributivement ; ainsi chacune des notions acquises sans intermédiaire est ce qu’on nomme manô dhâtu, l’élément dit du manas.

« Le texte ajoute ce développement : Tout de même que celui qui est fils prend le nom de père d’un autre, et que le fruit d’une plante prend le nom de semence d’une autre plante, de la même manière l’élément dit la notion acquise par la vue et par les autres sens, devenant le réceptacle d’une autre notion, prend le nom de manô dhâtu, c’est-à-dire d’élément dit du manas.

« On demande s’il y a dix-sept éléments, ou bien douze. [Voici la réponse :] Les six éléments dits la connaissance, c’est là l’élément dit manas ; et l’élément dit manas, c’est les six éléments dits la connaissance. Comme ces deux énoncés se contiennent mutuellement, si l’on admet les six éléments de la connaissance, la question n’a pas de sens ; car du texte qui dit par l’absence d’un élément, il résulte qu’il ne peut exister seulement dix-sept éléments. Si l’on admet l’élément du manas, la question n’a pas plus de sens ; car du texte qui dit au moyen des six éléments de la connaissance, il résulte certainement qu’il y a dix-huit éléments.

« Le texte dit : C’est pour faire connaître le sixième réceptacle. Il ne peut être question de faire connaître les réceptacles des cinq éléments dits de la connaissance, parce que la vue et les autres sens ont leur réceptacle connu. Mais comme on a dit qu’il n’y a pas de réceptacle pour l’élément du manas, on établit l’élément du manas, afin de faire connaître son réceptacle. Or une fois qu’on a établi l’existence de six réceptacles, on trouve qu’il y a dix-huit Dhâtus, éléments, ou contenants. Il y a un groupe de six réceptacles, dont le premier terme est la vue, et le dernier le manas. Il y a un second groupe de six réceptacles, dont le premier terme est la connaissance acquise par la vue, et le dernier la connaissance acquise par le manas. Il y a un groupe de six supports (âlambana), dont le premier terme est la forme, et le dernier le dharma (le mérite moral ou l’être), Cependant, selon la doctrine des Yôgâtchâras, il y a un élément du manas (manô dhâtu) qui est distinct des six connaissances. Les Tâmraparṇîyas, de leur côté, se représentent la substance du cœur comme le réceptacle de l’élément dit la connaissance acquise par le manas[1]. Ils s’expriment ainsi : Et cela a lieu même pour l’élément de la forme. Quand ils disent pour l’élément de la forme (ârûpyadhâtâu), ces mots signifient pour eux rûpa, la forme ; dans Ârûpya, la préposition est prise au sens de un peu, presque, comme quand on dit âpig̃gala (brunâtre)[2]. « Le mot que j’ai traduit par élément est dhâtu ; on voit qu’on le traduirait plus exactement encore par contenant ; mais on conviendra aussi qu’on donnerait à cette exposition de la place qu’occupe le manas dans le fait de la connaissance,

  1. Cette phrase relative à l’opinion des Tâmraparṇîyas ou Buddhistes de Ceylan, est traduite ici plus exactement que dans l’Introduction à l’histoire du Buddhisme indien, p. 569, où j’ai eu occasion de l’insérer.
  2. Abhidharma kôça vyâkhyâ, fol. 28 a et suiv. de mon man.