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LE LOTUS DE LA BONNE LOI.

manes très-savants, comme par exemple le Brâhmane Tchag̃ki, le Brâhmane Târukkha, le Brâhmane Pôkkharasâdi, le Brâhmane Djânussôni, le Brâhmane Nôdêyya[1], et d’autres riches Brâhmanes très-savants. Il advint qu’une discussion s’éleva entre des Vâsêṭṭhas et des Bhâradvâdjas (des Vâsichṭhides et des Bhâradvâdjides) qui se promenaient dans le Vihâra de Djag̃ghâ[2], au sujet de ce qui est la voie et de ce qui ne l’est pas. Un jeune Brâhmane Vâsêṭṭha parla ainsi : C’est là seulement la droite voie, c’est là seulement la véritable route, la route de la délivrance qui conduit celui qui la pratique à s’unir avec Brahmâ[3] ; cette voie a été enseignée par le Brâhmane Pôkkharasâdi. Un jeune Brâhmane Bhâradvâdja parla ainsi ; C’est là seulement la droite voie, c’est là seulement la véritable route, la route de la délivrance qui conduit celui qui la pratique à s’unir avec Brahmâ ; cette voie a été enseignée par le Brâhmane Târukkha. Mais le Brâhmane Vâsêṭṭha ne put convaincre le Bhâradvâdja, et le Brâhmane Bhâradvâdja, à son tour, ne put convaincre le Vâsêṭṭha, Alors le Brâhmane Vâsêṭṭha dit au Bhâradvâdja : Fils de Bhâradvâdja, Gôtama le Samaṇa, fils des Çâkyas, qui est sorti de la maison des Çâkyas pour se faire mendiant, se trouve en ce moment à Manasâkaṭa, au nord de ce village, sur le bord de la rivière Atchiravatî, dans un bois de manguiers. Le Bienheureux Gôtama a été ainsi précédé par le renom fortuné de sa gloire : Le voilà ce Bienheureux, vénérable, parfaitement et complètement Buddha, doué de science et de conduite, bien venu, connaissant le monde, sans supérieur, domptant l’homme comme un jeune taureau, précepteur des Dêvas et des hommes, Buddha bienheureux. Allons donc, fils de Bhâradvâdja, à l’endroit où s’est rendu le Samaṇa Gôtama ; et quand nous y serons arrivés, nous l’interrogerons sur le sujet qui nous divise ; et selon qu’il nous répondra, nous tiendrons sa réponse pour la vérité. Qu’il soit ainsi, répondit le Brâhmane Bhâradvâdja au Brâhmane Vâsêṭṭha.

« Ensuite les deux jeunes gens se rendirent au lieu où se trouvait Bhagavat ; et quand ils y furent arrivés, après avoir échangé avec lui les paroles de la bienveillance et de la civilité, ils s’assirent de côté ; puis le jeune descendant de Vasiṭṭha parla ainsi de sa place

    ques de toutes les écoles, et qu’on retrouve assez fréquemment aussi dans les Brâhmaṇas des Vêdas. J’y reviendrai au no XXI de l’Appendice.

  1. Le nom de Nôdêyya est un patronymique qui rappelle celui de l’ancien Rĭchi Nôdhas, auquel est attribuée la composition de plusieurs hymnes du Rĭgvêda, lesquels forment une section entière dans le premier Maṇḍala de ce Vêda. (Mueller, Rigveda sanhitâ, t. I, p. 525 sqq. Wilson, Rigveda sanhitâ, t. I, p. 334.)
  2. L’expression dont se sert le texte est djag̃ghâ vihâram anutchag̃khamantânam̃ ; j’ai traduit littéralement comme s’il existait un Djag̃ghâ vihâra. Mais outre que l’existence d’un vihâra pour des ascètes brâhmaniques a quelque chose d’inattendu, il se pourrait bien que la phrase du texte signifiât simplement « faisant une promenade sur leurs jambes. » Le mot anutchag̃kaman, qui signifie « se promenant de long en large, » rend ce sens très-probable.
  3. Je dois avertir que le mot Brahmâ étant, dans le texte, en composition, on ne peut reconnaître si l’auteur veut parler du Brahmâ masculin ou du Brahma neutre. Plus bas, le mot étant employé au nominatif, c’est Brahmâ que lit le texte. On aurait probablement tort de demander au rédacteur de ce Sutta, quel qu’il ait été, une précision rigoureuse sur ce point, qui a cependant son importance pour l’histoire de la religion brâhmanique. La précision a pu même exister dans les premiers temps du Buddhisme ; mais il est facile de comprendre qu’on s’en soit peu à peu relâché, et qu’elle ait déjà disparu quand les Suttas ont été rédigés par écrit.