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NOTES.

Tchandrasûryapradîpa.] Ce nom signifie « celui qui répand la lumière du soleil et de la lune. » C’est le premier exemple de ces noms fabuleux dont j’ai parlé ailleurs, et dont la présence forme un des caractères les plus frappants des Sûtras développés[1]. Le Lotus de la bonne loi nous en offrira d’autres bien plus démesurément longs et bien plus exagérés par l’idée qu’ils expriment. Je regrette seulement de ne les avoir pas imprimés en séparant les unes des autres les parties dont ils se composent, de cette manière Tchandra sûrya pradipa ; autrement ils sont à peu près impossibles à prononcer.

f. 11 a. Dont le sens est bon, dont chaque syllabe est bonne.] Ceci est traduit d’après le manuscrit de la Société asiatique qui donne svartham̃ suvyañdjanam, et cette traduction, qui repose sur la division naturelle de ces deux mots, comme il suit, su-artham̃ et su-vyañdjanam, est également celle qu’ont admise les Tibétains, d’après M. Foucaux, qui traduit ces deux épithètes par « au but excellent, bien exprimé[2]. » Il semble qu’ici le doute ne soit pas possible ; cependant deux manuscrits de M. Hodgson lisent le dernier mot svavyañdjanam, les deux syllabes सु su et स्व sva se confondant très-aisément dans l’écriture des manuscrits du Népâl, qui tient à la fois du Randjâ, du bengali et du dêvanâgari. Maintenant cette dernière épithète se décomposant en sva vyañdjanam̃, et signifiant, à n’en pas douter, « avec ses attributs, ou avec ses consonnes, ses lettres, » et la vraisemblance autorisant à penser que les deux épithètes sont formées de la même manière, on devra traduire, par analogie, svartham, « avec son sens ; » seulement on devra reconnaître que svartham est une orthographe fautive pour svârtham. Mais ne se pourrait-il même pas que svârtham fût la véritable leçon, leçon oubliée chez les copistes du Nord ? C’est du moins celle à laquelle nous mènent directement les textes pâlis du Sud, où se trouve la phrase même du Lotus, qui est comme une définition classique de la loi enseignée par le Buddha. Ainsi, dans le commentaire du Djina alam̃kâra, je rencontre cette définition reproduite mot pour mot dans les termes suivants : Âdikalyâṇam̃ madjdjhê kalyâṇam̃ pariyôsânam̃ (lis. pariyôsânakalyâṇam̃) sâttham̃ savyañdjanam kêvalam̃ paripuṇṇam̃ parisuddham̃ brahmatchariyam̃ pakâsêti. Ici les mots sâtthani savyandjanam signifient assurément « avec son sens et ses caractères » (ou ses lettres), car on en trouve le commentaire suivant dans la glose du Nidâna vagga : Atthabyañdjanasampannassa Buddhânam̃ dêsanâññânagambhîrabhavam sam̃sûtchakassa imassa suttassa sukhâvagâhanattham. « Pour la facile intelligence de ce Sutta qui manifeste la profondeur de l’enseignement des Buddhas, y compris le sens et les lettres[3]. » Il est clair que le composé attha byañdjana sampannassa, littéralement « muni de sens et de lettres, » est une véritable glose du sâttham̃ savyañdjanam du précédent texte pâli. Et si cette interprétation est bonne pour ce texte, elle doit avoir une égale valeur pour la définition du Lotus qui donne lieu à la présente note. De tout ceci il résulte que si l’on garde la leçon svârtham̃ savyañdjanam, on devra conserver la traduction admise dans mon texte ; que si au contraire on lit sârtham̃ savyañdjanam, comme le font les textes du Sud, il faudra remplacer la phrase « dont le sens est bon, dont chaque syllabe est bonne, qui

  1. Introduction à l’histoire du Buddhisme indien, t. I, p. 128.
  2. Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 106.
  3. Nidâna vagga, fol. 2 a.