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dans l’esprit des Aryas du sud-est, la conception panthéistique d’un dieu universel résidant au sein de l’univers put recevoir dans la pratique des formes variées et engendrer des cultes nouveaux.

En effet, l’une des idées fondamentales du panthéisme est celle de l’incarnation : celui qui n’admet pas la possibilité d’une incarnation n’est pas plus panthéiste qu’il n’est chrétien. Dans la théorie indienne, poussée de très bonne heure à ses limites extrêmes, l’unité absolue de l’être a été conçue comme la base de la métaphysique : cet Être absolu n’est ni créateur ni père de l’univers.

Brahme fut comme le pivot sur lequel roula toute la métaphysique des brâhmanes : son nom est neutre pour signifier qu’il n’est pas le père des êtres, qu’il n’entre dans aucune relation vitale et qu’ainsi il est absolu. Les trois formes qui, dans des temps relativement modernes, composèrent la trinité indienne, trimûrti, Brahmâ, Vishnou et Çiva, peuvent être regardées comme des personnes divines : on pourrait dire d’elles tout ce que les philosophes alexandrins ont professé dans leur théorie des hypostases.

Brahmâ, qui est la force active émanée de l’être absolu, vit et agit dans l’univers, dont il est appelé le père, l’aïeul, le producteur. On ne doit jamais traduire aucun de ses noms par le mot créateur, car, l’idée de créer n’existe même pas dans la langue sanscrite. C’est par voie d’émanation qu’il engendre l’univers, comme un père engendre un enfant, et c’est par une loi toute semblable à celle que les Alexandrins nommaient la loi du retour, qu’il en retire à lui tous les êtres en détruisant leurs formes changeantes. Cette double loi, la religion brâhmanique la symbolise sous la figure de la veille et du sommeil de Brahmâ.

Pour entrer dans des relations plus étroites avec les êtres vivants, l’être absolu prend les noms masculins de Vishnou et de Çiva, qui dans les temps modernes