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l’œuvre que leur ancêtres avaient fondée. On en peut aisément déduire que la religion se présenta dès l’origine sous la double forme d’une doctrine et d’un culte ; mais comme le feu était un agent nécessaire à tous les hommes, et que chaque père de famille pouvait l’allumer chaque jour en présence de sa femme, de ses enfants, de ses amis et de ses serviteurs, il dut se former des centres étroits et multipliés, non de culte, mais d’interprétation et de théorie. C’est ce que prouve la diversité des noms par lesquels on désigna le principe actif du feu, de la vie et de la pensée. Cette diversité est grande d’un hymne à l’autre dans le Vêda ; mais elle est bien plus saisissante encore d’un peuple à l’autre dans la race aryenne. On en trouvera un exemple dans le mythe d’Agni chez les Indiens, mythe dont celui de Prométhée forme le pendant chez les Hellènes.

La formation de centres religieux isolés fut puissamment favorisée par l’état inculte où se trouvait la terre, par l’absence de routes et par la vie plus ou moins nomade de populations d’ailleurs rares et dispersées. Ainsi les doctrines demeurèrent longtemps confinées dans la famille ; la religion eut un caractère domestique ou tout au plus patriarcal, qu’elle a souvent encore dans le Vêda.

Il n’en fut plus de même lorsque les peuplades errantes se fixèrent dans leurs pays respectifs, et y formèrent des communautés sociales et politiques. Les chefs religieux commencèrent presque partout à se rapprocher les uns des autres et à se réunir dans des lieux déterminés. Dans l’Inde, ce fut principalement au bord de certains lacs et au confluent de certaines rivières ; en Grèce, des motifs pour la plupart inconnus, les amenèrent vers quelques lieux restés célèbres, à Dodone, à Délos, à Delphes, à Olympie et ailleurs. Là où les causes précédemment signalées poussèrent les peuples vers