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d’un personnage divin peut se réduire à des éléments linguistiques, c’est-à-dire à des métaphores. On en vient à dire, avec M. Max Müller, que « les dieux sont des noms sans être, » ce qui est l’expression la plus nette de l’athéisme appliqué à l’étude des religions. S’en tenir là, c’est ne voir que la superficie des choses, car il restera à savoir comment les hommes ont pu opérer la transformation d’un mot en un dieu.

En vertu de quoi ont-ils pu faire ce changement ? Il n’est pas aujourd’hui un philosophe ayant analysé et classé ses idées, qui ne puisse résoudre ce second problème. Tous répondront que pour changer en dieu une notion sensible, il faut avoir d’abord l’idée de Dieu ; qu’il est impossible de concevoir comme une puissance un phénomène naturel, si grand qu’il soit, quand on n’a pas l’idée de force, et qu’ainsi les hommes ont dû concevoir les dieux avant de leur donner des noms. Une fois le dieu conçu, les prêtres ou les poètes pouvaient-ils faire autrement que d’emprunter à la langue usuelle les termes communs qu’elle leur offrait, et qui s’adaptaient la mieux à leur pensée ? Et de plus, quand la notion qu’ils s’étaient faite les premiers de cet être divin venait à être comprise par les hommes de leur langue, n’était-il pas naturel que le terme adopté par eux perdît peu à peu sa signification commune et finît par devenir le nom propre du dieu ?

Les philologues doivent observer que le faux principe qui tend à prévaloir parmi eux n’attaque pas seulement les anciennes religions, d’où il fait disparaître totalement la divinité, mais qu’il est aussi bien applicable aux religions modernes, au Père, au Fils, et au Saint-Esprit, aux noms mêmes de Christ et de Jésus, qu’il transforme en des métaphores, avec cette seule différence que l’objet métamorphosé est peut-être moins matériel.