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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

tibétains au nombre des livres dont se compose l’Abhidharma pițaka. Si la Pradjñâ pâramitâ appartient à l’Abhidharma, comment peut-elle être citée comme modèle de la classe des Sûtras ? Cela vient, je crois, non seulement de la haute importance de la Pradjñâ, qui est, chez les Buddhistes du Nord, un recueil fondamental pour la métaphysique, mais encore de ce que ce traité, ainsi que les diverses rédactions qu’on en possède, est un véritable Sûtra quant à la forme. Ici se vérifie ce que j’ai dit plus haut sur la possibilité de faire rentrer la section de l’Abhidharma dans celle des Sûtras. Cette possibilité, que je déduisais du témoignage de l’Abhidharma kôça, doit être admise comme un fait positif, maintenant que nous voyons les traités consacrés à la métaphysique présentés sous la forme de Sûtras véritables, et qu’il est constaté que les traducteurs tibétains ne peuvent former leur section de l’Abhidharma qu’avec des livres qui se donnent pour des Sûtras, c’est-à-dire pour des discours du Buddha.

2o « Gêya. Ce sont des ouvrages en l’honneur des Buddhas et des Bôdhisattvas écrits en un langage mesuré. Le Gîta gôvinda des Brâhmanes est équivalent à notre Gîta pustaka, qui appartient à la classe des Gêyas. »

J’ajoute à cette description que le Gîta pustaka, autrement dit Gîta pustaka sam̃graha, ou Résumé du livre des chants, est décrit par M. Hodgson comme une collection de chants sur des sujets religieux, composés par divers auteurs[1]. Cela me donne lieu de penser que ce livre ne fait pas partie de la collection originale des écritures buddhiques. La liste de M. Hodgson ne cite pas d’autre Gêya. Ce titre signifie « fait pour être chanté ; » et s’il y a des Gêyas dans les livres qui passent pour inspirés, ces Gêyas ne doivent être que des fragments ou morceaux plus ou moins étendus, composés en vers, et qui peuvent être chantés. Mais je ne trouve pas que les Gêyas forment une classe de livres reconnue par les commentateurs que j’ai été à même de consulter, et je ne puis expliquer l’existence de ce titre dans la liste de M. Hodgson que de deux manières : ou les Gêyas sont des vers ou des chants faisant partie des livres primitifs, et, comme je le disais tout à l’heure, extraits de ces livres, ou ce sont des ouvrages postérieurs à la division des écritures buddhiques en trois classes. J’ajoute qu’il peut exister des Gêyas de ces deux espèces, en d’autres termes que l’on doit trouver dans les textes buddhiques des chants ou seulement des vers nommés Gêyas, tout comme il possible que des auteurs modernes aient composé des chants de ce genre en l’honneur des Buddhas et des Bôdhisattvas. Le témoignage des Buddhistes chinois confirme la première de ces deux supposi-

  1. Notices, etc., dans Asiat. Researches, t. XVI, p. 431.