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DU BUDDHISME INDIEN.

ment connu et usité dès le temps de Çâkya ; je crois suffisant de rejeter en note ces indications[1]. Non seulement ces trois grandes classes sont citées ainsi d’une manière collective, elles sont encore énumérées plus d’une fois, chacune avec leur titre spécial, et la troisième l’est sous un nom remarquable. Il est indispensable de citer ici les passages mêmes où paraissent ces titres : « Pariprĭtchtchhanti Sûtrasya, Vinayasya, Mâtrĭkâyâḥ, » c’est-à-dire, ils font des questions sur le Sûtra, sur le Vinaya, sur la Mâtrĭkâ[2] ; « Sûtram Mâtrĭkâ tcha Dêvamanuchyêchu pratichṭhitam, » c’est-à-dire, le Sûtra et la Mâtrĭkâ sont établis au milieu des hommes[3] ; ce Âyuchmatâ Mahâ Kâtyâyanêna pravrâdjitah, têna pravradjya Mâtrĭkâ adhîtâ ; » c’est-à-dire, le respectable Mahâ Kâtyâyana lui fit embrasser la vie religieuse ; quand il l’eut embrassée, il lut la Matrikâ[4].

Que conclure de ces textes ? Dira-t-on que la triple division des écritures buddhiques existait déjà du temps de Çâkyamuni ? Mais de deux choses l’une : ou elle lui était antérieure, ou elle venait de lui. Si elle lui était antérieure, c’est-à-dire si elle dérivait des Buddhas qu’on dit l’avoir précédé, la tradition se trompe quand elle rapporte au dernier Buddha, à Çâkyamuni lui-même, les livres que nous possédons aujourd’hui ; si, d’un autre côté, elle venait de lui, la tradition se trompe encore, en attribuant aux trois principaux disciples de Çâkyamuni la division des écritures sacrées, et en plaçant cette division après sa mort. Mais, hâtons-nous de le dire, il est impossible que la tradition soit dans l’erreur sur ces deux points à la fois, et je ne puis admettre que les mentions assez rares que des ouvrages réputés sacrés font de la triple division des écritures buddhiques doivent l’emporter sur le témoignage de la tradition népalaise, que confirme, ainsi qu’on le verra plus tard, celui de la tradition de Ceylan.

Les citations rapportées tout à l’heure me paraissent être de ces interpolations qui s’introduisent naturellement dans les livres que l’on fait passer de la forme orale à la forme écrite. En recueillant, après la mort de Çâkyamuni, l’enseignement de leur maître, les disciples classèrent les souvenirs encore vivants de cet enseignement sous trois titres généraux que ne représentent qu’imparfaitement les noms de morale, de discipline et de métaphysique. Occupés comme ils l’étaient de cette division, il était bien difficile qu’ils n’en laissassent pas percer quelques indices dans les ouvrages mêmes qu’ils y faisaient

  1. Pûrṇa, dans Divya avad., f. 26 b du man. de la Société Asiatique : « Tripiṭaka sam̃gha » (assemblée qui connaît les trois recueils). Kôțikarṇa, ibid., f. 9 b ; « Têna trîtîyapițakam adhitam » (par lui fut lu le troisième recueil).
  2. Kôțikarṇa, ibid., f. 9 b.
  3. Sam̃gha rakchita, ibid., f. 166 a.
  4. Kôțikarṇa, ibid., f. 9 a.