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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

nant avec ses disciples ; et ceux de ces livres qui, suivant les Népâlais, passent pour les livres authentiques, c’est-à-dire les Sûtras, commencent tous par cette formule : « C’est ainsi qu’il a été entendu par moi. » Si cette phrase suffisamment significative a été placée en note des livres attribués à Çâkya, c’est qu’on ne pouvait, sans contredire la tradition la mieux établie, se dispenser de marquer l’intervalle qui existait entre Çâkya, de l’enseignement duquel émanaient ces livres, et le Religieux qui les recueillait après lui. Tout nous porte donc à croire que Çâkya, semblable en cela à d’autres fondateurs de religions, s’est contenté d’établir sa doctrine par l’enseignement oral, et que c’est seulement après lui qu’on a senti le besoin de la fixer par l’écriture, pour en assurer la conservation. Cette opinion recevra une confirmation nouvelle du récit des premières tentatives de rédaction faites dans le concile qui se réunit après la mort de Çâkya. Mais je dois remettre l’examen de ces faits au moment où je rassemblerai ce que la tradition et les textes nous apprennent sur les destinées de la collection buddhique depuis le moment où elle a été rassemblée pour la première fois en un corps d’ouvrages.

En exposant ce que nous savons, d’après la tradition népâlaise, de la triple division des écritures buddhiques, j’ai dit que cette division avait pour elle le témoignage de textes jouissant de quelque autorité ; j’ai rapporté, entre autres, plusieurs passages de l’Abhidharma kôça vyâkhyâ, et j’aurais pu en citer un bien plus grand nombre, puisque cet ouvrage rappelle à tout instant les titres de Sûtra, Vinaya et Abhidharma. Mais ce traité n’est pas un livre canonique ; c’est l’œuvre de deux auteurs dont aucun n’a caché son nom, œuvre dont nous ignorons la date, mais qui est probablement moderne. Quel qu’en soit l’âge, cette compilation est de beaucoup postérieure aux livres canoniques auxquels elle se réfère à tout instant. Il n’est donc pas surprenant qu’on y voie cités les titres généraux sous lesquels sont classés ces livres. Mais ce qui a lieu de surprendre, c’est que ces titres se lisent déjà dans les livres canoniques eux-mêmes, livres que la tradition ne fait cependant pas remonter au delà du dernier Buddha. Avant de chercher à expliquer ce fait, il importe de l’exposer nettement.

J’ai allégué plus haut, d’après l’auteur de l’Abhidharma kôça, le témoignage d’un Sûtra (c’est-à-dire d’un des livres que tout nous porte à regarder comme les plus anciens), où l’on cite un Religieux contemporain de Çâkya, qui passait pour connaître le Tripițaka, ou les trois collections des écritures sacrées[1]. Ce témoignage n’est pas isolé, et plusieurs traités faisant partie du grand recueil intitulé Divya avadâna répètent ce titre de Tripițaka, comme s’il était parfaite-

  1. Abhidharma kôça vyâkyâ, f. 8 b de mon manuscrit.