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DU BUDDHISME INDIEN.

présente-t-elle moins de probabilités en sa faveur que la supposition contraire. Les faits nous apprendront jusqu’à quel point elle doit se vérifier. Pour ma part, s’il m’est permis dès à présent d’avancer une opinion personnelle, je crois que la vérité se trouvera dans la conciliation des deux hypothèses. Non, le corps des écritures buddhiques du Népâl ne peut avoir été écrit en entier hors de l’Inde. Il n’est pas permis de supposer que les disciples de Çâkyamuni n’aient songé à rédiger les enseignements de leur maître que quand ils se virent expulsés pour toujours de leur patrie. Il y aurait quelque chose de trop bizarre à croire que des proscrits eussent composé en sanscrit une masse aussi considérable de livres, pour les traduire presque aussitôt dans les langues des peuples qui leur offraient un asile. Toutes ces considérations, jointes à la circonstance du langage, militent en faveur de la première hypothèse. Mais, d’un autre côté, il n’est pas croyable que le Buddhisme soit resté stationnaire, du moment qu’il fut transporté hors de sa terre natale. On ne peut admettre que les Religieux qui s’en faisaient les apôtres aient immédiatement oublié la langue dans laquelle se conservait le dépôt des enseignements de leur maître. Il faut croire que l’usage de cette langue avait continué de leur être familier, puisqu’ils prenaient part, comme l’attestent les catalogues de la bibliothèque tibétaine, aux versions qui s’exécutaient autour d’eux[1]. Tout ne doit pas être inspiré dans la collection sanscrite du Népâl ; l’étude attentive de cette collection y fera sans doute découvrir des ouvrages que pourraient réclamer des auteurs vulgaires ; rien n’empêche enfin que les Religieux Buddhistes n’aient écrit hors de l’Inde, dans des contrées voisines, quand le prosélytisme, réveillé par la persécution, les animait d’une nouvelle ardeur. De ces deux séries d’hypothèses, aucune n’exclut absolument l’autre, car elles sont très-conciliables entre elles. Celle-ci suppose possible pour une partie des livres ce que celle-là déclare impossible pour la totalité de la collection ; mais adoptées l’une et l’autre dans de justes limites, elles nous éloignent également des affirmations absolues, comme elles nous ramènent à l’examen des faits qui seuls doivent les vérifier, et marquer à chacune sa part légitime dans la solution du problème compliqué que chacune, prise isolément, est insuffisante à résoudre.

Or, où se trouveront les faits dont nous invoquons le témoignage, si ce n’est dans les livres mêmes dont il s’agit de déterminer l’origine ? Et comment sortir de ces affirmations générales qui laissent à l’esprit de système la liberté de la contradiction, si l’on n’entre dans ces vérifications de détail qui se limitent mutuellement, et dont les résultats ne servent pas moins, par leur opposition

  1. Csoma, Analys. of the Dul-va, dans Asiat. Researches, t. XX, p. 78, 85, 92, etc.