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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

d’Arrien, reconnaît que Çâkala est la capitale des Bahîkas, et qu’elle est conséquemment dans le Pendjab ; et de plus, qu’il ne s’éloigne pas davantage de cette contrée, en faisant de Çâkala la capitale des Madras. Je regarde comme moins démontré le rapprochement qu’il essaye d’établir entre ce nom et le Çâkala dvîpa du Mahâbhârata. Al. Burnes identifie la Sâgala d’Arrien avec Lahore[1] ; et Benfey, sans aller jusque-là, ne croit pas les deux villes très-éloignées l’une de l’autre[2]. Enfin Masson[3] retrouve les ruines de Sâgala ou Sangala sur le site d’Harrîpa, à soixante milles au sud-ouest de Lahore. C’est à cette opinion, dont Lassen conteste justement la parfaite évidence[4], que paraît se ranger M. Wilson[5].

Le nom de Çâkala est cité dans les légendes buddhiques du Nord, sans qu’il soit possible de découvrir la véritable position de la ville qui le porte. À la fin de la légende d’Açôka, il est dit que Puchpamitra, le cinquième successeur de ce prince, se rendit à Çâkala pour y détruire la religion de Çâkya, promettant cent Dinâras pour chaque tête de Çramana qu’on lui apporterait[6]. Le nom de Çâkala est également connu des Buddhistes de Ceylan, sous la forme de Sâgala ; et M. Turnour a donné de curieux extraits d’un livre pâli, le Milinda pâṇṇa, où Milinda, roi de Sâgala, est représenté discutant avec le sage Nâgasêna sur les points principaux de la religion buddhique[7]. Je reviendrai, en parlant de Nâgasêna, sur cet ouvrage dont je possède une version singhalaise, et qui n’a pas à mes yeux toute l’importance que lui accorde M. Turnour. Je me contente, en ce qui touche le mot qui nous occupe, de faire pour le moment les observations suivantes.

La différence de ces deux orthographes, Sâgala et Sangala, ne peut faire aucune difficulté. Celle de Sangala est un provincialisme qui se trouve dans les transcriptions singhalaises d’un grand nombre de mots sanscrits ; ainsi le roi Nâgasêna est d’ordinaire nommé Nangasêna ; Nagara est écrit Nangara, et le Sâgala du texte pâli du Milinda est lu Sangala dans la glose singhalaise de ce livre. L’addition de cette nasale devant une gutturale a ordinairement pour effet de nécessiter la substitution du signe de la voyelle brève à celui de la longue, de manière que le signe changeant, la quantité reste la même. Sous ce rapport, je la compare au doublement d’une consonne dans les mots pâlis, doublement qui

  1. Travels in Bokhara, t. III, p. 182.
  2. Götting. gel. Anzeig. Mai 1841, p. 759.
  3. Suggest. on the site of Sangala, dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. VI, p. 58.
  4. Zeitschrift, etc., t. III, p. 154 sqq.
  5. Ariana antiqua, p. 197 et 198.
  6. Divya avad., f. 211 b. Ci-dessus, second Mémoire, sect. III, p. 384.
  7. Divya avad., t. V, p. 530 sqq.