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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

primitif, Gôçîrcha. Je n’hésite pas à reconnaître le santal tête de vache dans l’espèce que les Mongols nomment tête d’éléphant[1]. Ce changement de signification vient de ce que les Mongols ont emprunté cette dénomination aux Tibétains, dans la langue desquels le nom du bœuf, glang-po, prend, avec l’addition de tchhen (grand), le sens d’éléphant, c’est-à-dire grand bœuf. Les Mongols, qui doivent aux Tibétains ce qu’ils savent des productions naturelles de l’Inde, ont bien pu faire cette méprise, qui après tout n’a pas une grande importance.

Le nom de Gôçîrcha est d’ailleurs classique dans l’Inde ; on le trouve dans le Vocabulaire d’Amara, et Wilson l’explique ainsi : « espèce de Santal de la couleur du cuivre et d’une odeur forte. » Il n’est pas moins familier aux Buddhistes du Sud, et Clough le donne dans son Vocabulaire pâli sous sa forme adoucie Gosîsa[2]. Abul-Fazel cite une autre espèce de Santal dont le nom a échappé aux auteurs des Études kurdes[3] ; c’est celui de Mekasiry[4], qui est certainement le même que le مقاصرى ou le Santal de Macassar, nom que ces auteurs rapportent d’après Sprengel.

La légende tibétaine de la statue d’Avalôkitêçvara parle encore d’une autre espèce de Santal dont le nom mongol signifie cœur de serpent, et dont je n’ai pas le moyen de rétablir le nom sanscrit ; il paraît, d’après la légende, que c’est un Santal divin qui ne croît que dans la plus haute région du ciel des Buddhistes, chez les Dieux Akanichṭhas[5]. Il n’est cependant pas inutile de remarquer que les deux mots cœur de serpent, en sanscrit sarpa hrĭdaya, pourraient, s’ils étaient déplacés, hrĭdaya sarpa, prendre le sens de « qui a des serpents dans le cœur. » Or, on sait que chez quelques poëtes indiens, et notamment dans Djayadêva, auteur du Gîta gôvinda, les arbres de Santal des monts Malayas sont fréquemment signalés comme les repaires des serpents qui se retirent dans les cavités de leur tronc. Si donc il était établi que le Santal dont parle la légende tibétaine a été nommé en sanscrit hrĭdaya sarpa, on ne verrait dans cette dénomination d’un Santal d’ailleurs fabuleux qu’une expression figurée propre à désigner toute espèce de Santal en général, d’après un caractère commun à toutes les variétés de cet arbre.

Il resterait à rechercher la raison de ce nom de tête de vache donné à la première espèce de Santal. Vient-elle de la couleur brune de ce bois ? C’est ce que

  1. Schmidt, Geschichte der Ost-Mongolen, p.  15, 313 et 314.
  2. Pali Gramm. and Vocab., p. 28, st. 18 b.
  3. Pott et Rödiger, Kurd. Studien, dans Zeitschrift für die Kunde des Morgenlandes, t. V, p. 80.
  4. Gladwin, Ayeen Akbery, t. I, p. 92, in-4°.
  5. Schmidt, Geschichte der Ost-Mongolen, p. 330 et 332.