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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

inconnue, a exigé que la classification se complétât au moyen d’un étage de plus. J’attache donc, pour ma part, assez peu d’importance à ces différences, quoique j’aie cru nécessaire de les signaler. Ce qui me paraît plus digne de remarque, c’est le caractère systématique de cette classification, où il semble qu’on ait voulu agrandir le domaine de Brahmâ en formant deux ou trois ordres des Dieux qui l’approchent. Il faut ensuite noter que nos textes, d’accord avec la tradition népâlaise, nomment le troisième ou le quatrième de ces cieux les Mahâbrahmâs (Mahâbrahmâṇaḥ). Il y a donc plusieurs Brahmâs supérieurs qui peuplent le troisième ou le quatrième ciel, et ces Brahmâs sont sans doute des êtres que leur sainteté a élevés à ce haut rang. Cela n’empêche pas que dans les livres du Népâl, l’existence d’un Brahmâ unique ne soit à tout instant rappelée, et que ce Brahmâ ne soit connu sous le titre de Brahmâ sahâm̃pati, « Brahmâ le souverain des êtres qui souffrent. » Il est probable que le Brahmâ sahâm̃pati est le plus élevé et le chef de ces grands Brahmâs qui habitent le ciel que nous venons d’étudier.

Quoi qu’il en puisse être de ces explications, sur lesquelles je n’insiste pas davantage, faute de posséder un assez grand nombre de textes qui les confirment positivement, il me paraît que les difficultés que nous éprouvons à nous reconnaître dans ce chaos de Brahmâs viennent uniquement de ce que les idées soumises à notre examen appartiennent à des époques diverses. Je suis convaincu, quoique je ne puisse pas donner de cette opinion toutes les preuves désirables, que la notion d’un Brahmâ unique, empruntée par les Buddhistes au Brâhmanisme, est la plus ancienne de toutes celles que nous offre cette série de trois ou quatre cieux subordonnés à Brahmâ. Cette notion se montre aussi pure et aussi claire que cela est possible dans le Brahmâ sahâm̃pati, souverain du monde qu’habitent les hommes. La création de deux ou trois cieux peuplés par des êtres qui servent ce Brahmâ est une sorte d’hommage rendu à la grandeur de ce Dieu, qui appartenait primitivement à la religion indienne avant la venue de Çâkya. Mais en même temps c’est l’œuvre d’une classification postérieure, et qui n’a pu s’exécuter que quand les Buddhistes ont senti le besoin d’incorporer dans leur système propre les notions qu’ils avaient reçues de leurs prédécesseurs. Enfin j’en dirai autant de cette multiplication des Brahmâs, qui paraît dans le ciel des Mahâbrahmâs, en admettant qu’il faille, comme je le propose, prendre ce pluriel au propre. Si dans le nom de Mahâbrahmâṇaḥ on ne devait voir qu’un pluriel, appelé ici par imitation des autres cieux qu’habitent des troupes plus ou moins nombreuses de Divinités de même nom, il n’y aurait qu’un Mahâbrahmâ, et cette notion n’en serait que plus indienne. Enfin, pour compléter ce que nous savons de ces trois ordres de Dieux, j’ajouterai qu’ils forment le premier degré des