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DU BUDDHISME INDIEN.

que Gnod-sbyin est synonyme du sanscrit Yakcha[1], ce que je crois tout à fait exact, parce que les Yakchas sont, dans la mythologie indienne, des génies dont le séjour est l’atmosphère ; mais M. Schmidt ne nous apprend rien de plus touchant l’épithète ajoutée au nom de ces Yakchas, « qui ont un vase à la main. » Tout ce que nous en savons est dû à Georgi, qui les représente occupés à puiser avec leurs vases l’eau que les flots de la mer font rejaillir sur le mont Mêru. Je n’ai jusqu’ici rien rencontré dans les textes du Népâl qui se rapporte à cette classe d’êtres supérieurs à l’homme. Mais outre qu’elle n’est pas tout entière de l’invention des Tibétains, puisque les Buddhistes du Sud connaissent quelque chose d’analogue, elle repose sur une donnée réellement indienne et antique, car rien n’est plus ordinaire que de voir les Yakchas figurer dans les légendes. Ce sont des génies de l’air, doués d’une grande puissance, qui, comme tous les autres habitants du Panthéon buddhique, sont soumis au pouvoir suprême du Buddha, et même à celui des Religieux ou de quelques personnages privilégiés, comme les rois protecteurs du Buddhisme. Le nom que leur donnent les Tibétains rappelle en partie celui de Kumbhâṇḍa, lequel désigne des êtres placés par les Singhalais immédiatement au-dessus de la terre, le long des flancs du Mêru[2] ; je dois parler ailleurs de ces génies purement indiens.

Le second étage est habité par les êtres qui tiennent à la main un chapelet ; le prince qui les gouverne se nomme d’après Georgi Pran thog[3], leçon fautive qui se rectifie aisément à l’aide de la notion que Georgi nous donne de ces génies. Si, en effet, on lit Phreng thogs, ce nom signifiera « celui qui tient une guirlande. » Ce terme traduirait fort exactement le sanscrit Sragdhara ; mais je n’ai rencontré jusqu’ici dans les livres du Népâl qu’une Divinité de ce nom, c’est la Déesse des Tantras dont j’ai parlé plus haut dans la section consacrée à ces livres[4], et qui, je crois, n’a rien à faire ici. Je ne dois cependant pas oublier de dire que suivant Schröter les Tibétains ont un mot, Phreng-ltan, par lequel ils désignent Garuḍa, l’oiseau indien consacré à Krĭchṇa[5] ; Phreng-ltan, qui signifie « ayant une guirlande, » n’est pas fort éloigné de Phreng-thogs, expression qui a le même sens. Si ces deux mots étaient synonymes, nous pourrions supposer que les êtres qui habitent le second étage sont les Garuḍas, dont les Buddhistes font une classe d’oiseaux divins. Nous verrons, en étudiant la classi-

  1. Tibet. Wörterb., p. 308, col. 2.
  2. The Mahâvansi, t. III, p. 51.
  3. Alphab. Tib., p. 481.
  4. Second Mémoire, sect. V, p. 483.
  5. Bhot. Diction., p. 199, col. 1.