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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

sibilité[1], est en lui-même trop vraisemblable pour ne pas être reconnu, au moins d’une manière générale ; seulement la suite de nos recherches devra l’exposer avec plus de détails, et en marquer les limites et la portée. Ainsi il faudra tenir compte de l’existence des anciennes inscriptions buddhiques rédigées en pâli, et y voir la preuve qu’à une époque voisine de l’établissement du Buddhisme, le sanscrit n’était déjà plus la langue populaire de l’Inde centrale et septentrionale, et que la religion nouvelle, pour être comprise de tous, était forcée de se servir d’un dialecte vulgaire. Il faudra également peser des faits comme celui qu’a déjà signalé la sagacité de Lassen, quand il a soupçonné qu’une formule qui fait partie de la profession de foi des Buddhistes avait dû être conçue primitivement en pâli, et de là transportée en sanscrit[2]. Si, comme je le montrerai dans une dissertation spéciale, des passages très-nombreux et très-importants des textes sanscrits du Nord autorisent des inductions du même genre, il faudra reconnaître que le dialecte vulgaire de l’Inde centrale a exercé sur la rédaction des textes composés en sanscrit une influence qui ne peut s’être produite que dans des temps anciens, avant que les Buddhistes se fussent séparés en deux grandes écoles, celle du Nord, où les livres sont rédigés en sanscrit, et celle du Sud, où ils le sont en pâli.

La question n’est donc pas aussi simple qu’elle paraît l’être au premier coup d’œil. Elle se complique encore de celle des conciles, dont l’histoire touche de si près à celle de la rédaction des livres. Que serait-ce si, étendant l’horizon de nos recherches, nous comparions à la tradition du Nord ce que nous apprend la tradition singhalaise ? Là, c’est-à-dire chez les peuples où domine exclusivement le pâli à titre de langue sacrée, nous reconnaîtrions qu’une partie notable des livres buddhiques, avant d’être rédigée en pâli, s’est conservée longtemps dans des versions singhalaises. En un mot nous trouverions, au terme de nos recherches, d’un côté l’action facilement reconnaissable du dialecte vulgaire sur la langue savante employée à la rédaction des livres du Nord ; de l’autre, la preuve que la collection des livres du Sud n’a pas été, à l’origine, rédigée intégralement dans le dialecte qu’on nomme pâli. On le voit, dans cette question difficile, les monuments, les textes et les souvenirs de la tradition se mêlent, se contredisent quelquefois et s’expliquent rarement ; mais toujours chacun d’eux se présente sous le costume qui lui est propre ; les uns parlent en sanscrit, les autres en pâli, d’autres en un dialecte où il entre du sanscrit et du pâli ; et c’est à ces caractères qu’il faut s’attacher, si l’on veut essayer de déterminer leur âge et leur origine.

  1. Note on the primary language of Buddhism, dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. VI, p. 682 sqq.
  2. Zeitschrift u. s. w., t. I, p. 228 et 229, note.