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DU BUDDHISME INDIEN.

métaphysique, pour en former un corps spécialement distingué par le titre d’Abhidharma, remonte très-haut et est à peu près contemporain de Çâkyamuni, puisque plusieurs de ses premiers disciples passent pour avoir rassemblé sous une forme scientifique les principes de la haute philosophie[1]. J’ai cité plus haut, dans la section relative à la métaphysique, ce morceau que je regarde comme très-important pour l’histoire littéraire des premiers temps du Buddhisme. Quoique les traités dont il nous donne les titres soient, quant à présent, tout à fait inconnus, j’ai cru qu’il était bon de les rapporter dans le chapitre cité tout à l’heure, parce que si jamais ils parviennent jusqu’en Europe, leur place sera marquée dans la série des ouvrages où l’on doit puiser la connaissance de la métaphysique du Buddhisme. Or il est permis de ne pas renoncer à l’espérance de les retrouver un jour, quand on pense à ce qu’il y a d’inattendu dans la découverte que M. Hodgson a faite sous nos yeux de cette masse importante d’ouvrages dont personne avant lui ne soupçonnait l’existence, et quand on réfléchit à la richesse de quelques bibliothèques du Tibet, où suivant Csoma de Cörös se conservent des collections si considérables de livres sanscrits et tibétains. Mais ce qu’il importe en ce moment de constater, c’est le grand développement qu’avait pris l’étude de la métaphysique au temps de Çâkyamuni même ; car parmi les auteurs des traités que cite le commentaire qui nous occupe, il y en a cinq, savoir Kâlyâyanî puttra, Çâriputtra, Mâudgalyâyana, Pûrna, Mahâkâuchthilya, qui figurent dans les Sûtras et dans les Avadânas, au nombre des premiers disciples de Çâkya. Les ouvrages de ces auteurs forment un ensemble de textes faisant autorité pour ceux des Buddhistes qui s’occupent exclusivement de l’Abhidharma. Mais cette autorité n’est pas tellement impérative, qu’il ne soit permis de remonter plus haut, c’est-à-dire de chercher les principes de la philosophie dans les Sûtras eux-mêmes. Notre commentateur est de ce dernier sentiment, et c’est ce qui explique, ainsi que je l’indiquais tout à l’heure, le titre de Sâutrântika, ou de philosophe de l’école des Sûtras, qu’il prend chaque fois qu’il s’agit d’un point de doctrine important et controversé. Ces anciens Religieux décorés du titre d’Ârya, « respectables, » ou Sthavira, « vieillards, » sont en quelque sorte les apôtres et les premiers pères de l’église buddhique ; mais leur autorité le cède à celle des livres inspirés, que la tradition fait remonter jusqu’à l’enseignement du Maître lui-même.

Il me serait impossible de relever, dans ce rapide examen, toutes les citations de Sûtras ou d’autres traités qui enrichissent le commentaire de Yaçômitra. Ces citations, quelquefois assez développées, d’autres fois très-brèves, ne prouveraient

  1. Abhidharma kôça vyâkhyâ, f. 8 a.