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DU BUDDHISME INDIEN.

Mémoires méritassent toutes les sévérités de la critique, ne rend pas meilleure la position de l’érudition européenne. Je crois qu’elle doit se garder d’ajouter à l’insuffisance des descriptions la confusion des hypothèses ; sa tâche ne serait déjà pas si facile, quand elle posséderait la collection complète de tous les édifices et de toutes les cavernes buddhiques de l’Inde, représentées avec une scrupuleuse et savante exactitude.

Il y a toutefois dans cette matière un petit nombre de points que je désire signaler au lecteur, moins comme des opinions arrêtées qu’à titre de pressentiments que peut confirmer un jour l’étude plus attentive des statues et des scènes qui décorent les temples buddhiques de l’Inde. Le premier point, c’est que si l’on rapproche ces monuments figurés des monuments écrits, ce n’est pas aux Tantras proprement dits qu’ils se rapportent ; en d’autres termes, les Tantras ne sont pas le commentaire des scènes figurées dans les cavernes buddhiques. Ce fait, qu’on peut affirmer presque avec certitude, confirme l’opinion que j’ai développée touchant la date moderne des Tantras. Il me paraît évident que ceux des temples hypogées de l’Inde, qu’on doit en toute assurance attribuer au Buddhisme, sont antérieurs de bien des siècles au mélange des croyances buddhiques avec les pratiques ridicules ou obscènes des Çivaïtes. D’un autre côté, je soupçonne que les Divinités çivaïtes ne jouent pas dans ces temples un rôle très-différent de celui qu’elles remplissent dans les Mahâyâna sûtras. Ce sont des gardiens, des protecteurs, qui sont placés à la porte ou aux premières avenues du temple, pour écarter les ennemis du Buddha dont la statue occupe le lieu le plus honorable. Si les images de Çiva et les scènes où il figure remplissent quelquefois une place considérable, c’est qu’elles ont été sculptées par des Indiens çivaïtes, ou peut-être même ajoutées après coup et postérieurement à la construction du temple. C’est là un point que je ne touche qu’avec réserve, parce que c’est celui sur lequel les descriptions actuelles nous donnent le moins de lumières.

Quoi qu’il en puisse être, nous sommes naturellement ramenés à l’opinion de M. de Humboldt, qui conjecture que la prédominance du Çivaïsme dans l’Ouest de l’Inde, à l’époque où ont été creusées les cavernes buddhiques, explique suffisamment la présence des statues de Çiva près de celles du Buddha. Toute simple qu’elle est, et pour dire toute ma pensée, par cela même quelle est très-simple, cette explication me paraît la meilleure. Je ne crois en aucune manière à une alliance secrète du Buddhisme avec le Çivaïsme, fondée sur l’analogie des principes philosophiques. Le seul point sur lequel se rencontrent ces deux doctrines, c’est la puissance qu’elles attribuent aux efforts personnels de l’homme, puisque, semblable au Buddha, le Yôgin çivaïte ne doit rien