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DU BUDDHISME INDIEN.

avec la semence paternelle et le sang utérin, dérive le rudiment du corps, sa chair et son sang, son nom, nâman, et sa forme, rûpa[1]. » Il n’est pas douteux qu’il ne s’agisse ici du nom et de la forme d’un sujet idéal ou archétype, comme le disent les textes allégués par M. Hodgson ; et je ferai ici la même observation que sur la sensation : c’est que la forme paraîtra tout à l’heure au nombre des cinq attributs réunis par la naissance ; d’où il résulte que la forme est double, l’une qui appartient au corps idéal, l’autre que reçoit le corps matériel. Le Nâmarûpa représente donc ce qu’il y a de plus extérieur dans l’individualité ; mais, je le répète, cette individualité est celle de l’être idéal, type de l’être réel qui ne se montre extérieurement qu’à l’instant de la conception[2]. Le nom et la forme, ou le signe extérieur de l’individualité, ont pour cause la connaissance.

La connaissance, Vidjñâna, ou le sentiment, car ce terme est fort compréhensif, est la dixième cause. Le texte cité par M. Hodgson la définit ainsi : « les notions générales ; » sur quoi le commentateur ajoute : « Quand le Sam̃skara ou le désir qui est la cause du Vidjñâna devient excessif, la conscience individuelle commence à paraître[3]. » Suivant les autorités brâhmaniques citées par Colebrooke, « Vidjnâna est le sentiment ou le commencement de la conscience[4]. » Ce terme signifie, à proprement parler, la connaissance distincte, et le sens n’en est pas toujours facile à déterminer, même dans les monuments de la littérature brâhmanique. Ici je crois que le mot de connaissance est l’expression la plus convenable ; mais il faut réunir ensemble la notion de sentiment et celle de connaissance, qui sont données séparément par les autorités citées tout à l’heure. Il me semble que celle de connaissance pure serait trop restreinte, quoique ce soit le sens qu’adopte Csoma, qui traduit ce mot par

  1. Colebrooke, Miscell. Essays, t. I, p. 396.
  2. Voici comment M. Goldstuecker entend le Nâmarûpa : « Je crois que Nâmarûpa doit être rendu par substantialité ou, si nous nous conformons aux conceptions buddhiques, réalité. Mais le mot de réalité a l’inconvénient de ne pas exprimer assez nettement la réunion inséparable (imitée par le composé) de l’essence et de la forme. La signification de nâman est essence, dans toute la Mîmâm̃sâ. Il est opposé au guṇa, à l’accident qui périt, et employé, par exemple, pour désigner des sacrifices indéfinissables qui procurent l’émancipation finale, le ciel, et à la consommation desquels d’autres sacrifices seront comme guṇas. Selon moi, Nâmarûpa exprime cette substantialité où l’essence est mariée à la forme, et qui est, pour ainsi dire, la dernière limite du monde corporel. De là dérive tout : et en effet les notions suivantes s’élèvent ou tâchent de s’élever au-dessus du monde corporel ; car la cause de la substantialité, qui est déjà l’idée elle-même, mais l’idée encore attachée par une partie d’elle-même au monde corporel, par rûpa, par la forme, la cause de la substantialité, dis-je, ne peut être que quelque chose d’idéal. » Je n’ai pu jusqu’ici justifier cette interprétation par les textes.
  3. Quotat. from origin., etc., dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. V, p. 78.
  4. Colebrooke, Miscell. Essays, t. I, p. 396.