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DU BUDDHISME INDIEN.

comme fait une des écoles buddhiques, dans Bhava, terme qui vient immédiatement après Djâti. Mais si, comme tout porte à le croire, ces conditions, à mesure qu’elles s’élèvent, expriment des notions de plus en plus générales, Bhava doit plutôt désigner l’existence que la naissance. J’ai dit sur l’article précédent qu’au moment de la naissance se réunissent les cinq Skandhas ou attributs, et ce serait ici le lieu de définir ces cinq attributs ; mais cette recherche nous détournerait de l’objet qui nous occupe actuellement. Les cinq Skandhas sont d’ailleurs subordonnés à la condition de la naissance ou du genre dont ils font partie, et comme tels, ils ne peuvent être convenablement examinés qu’après que la relation de la naissance avec les conditions qui la précèdent aura été nettement déterminée. Or la condition dont la naissance est l’effet est Bhava ou l’existence, à laquelle je passe maintenant[1].

L’existence est la troisième condition en remontant. Suivant une des écoles buddhiques, Bhava est l’existence physique actuelle, ce qu’un commentateur de cette école définit ainsi : la naissance physique[2]. J’ai dit tout à l’heure les raisons que j’avais de réserver le mot de naissance pour Djâti, et par suite celui d’existence pour Bhava. Ce terme, en effet, signifie l’être ou l’état ; or, cette notion est plus générale que celle de naissance, la naissance n’étant que le mode de l’apparition extérieure de l’être. Les Buddhistes d’ailleurs, et d’après eux les Brâhmanes qui les réfutent[3], donnent de Bhava ou de l’existence une explication prise au cœur même des idées indiennes, et qui ajoute plus de précision à cette idée générale. Suivant les commentateurs indiens, les Buddhistes définiraient Bhava par « la condition du Dharma (mérite) ou de l’Adharma (démérite), » et j’hésite d’autant moins à prendre pour authentique l’explication des Brâhmanes, que c’est celle-là même qui est renfermée, quoique très-obscurément, dans un passage d’un Buddhiste chinois que Klaproth, faute d’en avoir rapproché l’opinion des Brâhmanes, n’a peut-être pas complètement entendu[4]. Bhava est donc l’être digne de récompense ou de punition, l’existence morale,

  1. Voici la note de M. Goldstuecker sur Djâti : « Le terme de Djâti exprime l’existence réelle ; dans la Mimâm̃sâ et le Vêdânta, djâti signifie toujours genre ; dans la Mimâm̃sâ, il semble même être synonyme du terme ânantya, quoique je ne méconnaisse pas la nuance qui sépare toujours deux mots en apparence synonymes. Mais je ne trouve pas d’incompatibilité entre le genre des Mîmâm̃sakas et la naissance, ou l’existence réelle des Bâuddhas. Car pour la philosophie qui sait arriver à un être absolu et réel, il peut y avoir une généralité infinie ; tandis que pour celle qui arrive au néant, cette généralité elle-même, sous quelque point de vue qu’on la regarde, est quelque chose de fini, par conséquent de doué d’une existence périssable. Et je crois que pour les Buddhistes, c’est la même chose de dire général ou individuel, l’existence générale étant pour eux autant que l’existence réelle. » Les Tibétains traduisent djâti par skye-ba, la naissance.
  2. Hodgson, Quotat., etc., dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. V, p. 78.
  3. Colebrooke, Miscell. Essays, t. I, p. 396.
  4. Foe koue ki, p. 288, note.