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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

ce qu’on nomme les cinq Skandhas ou attributs qui sont réunis par la naissance, et dont je vais parler plus bas. La décrépitude et la mort sont le produit de la naissance ; car tout ce qui naît doit mourir, suivant une maxime attribuée à Çâkya. « Elle est courte, ô Religieux, la vie des hommes ; le terme en est inévitable ; il faut pratiquer la vertu, car la mort est la condition de ce qui est né[1]. » La décrépitude et la mort sont donc l’effet de la naissance qui en est la cause, et à laquelle nous allons passer[2].

Le second terme en remontant est Djâti, la naissance, laquelle est la cause du terme précédemment expliqué. Il y a six voies ou routes dans lesquelles a lieu la naissance, et quatre manières dont elle s’accomplit. Les six voies, dont il est fréquemment parlé dans les textes, sont les conditions de Dêva, d’Homme, d’Asura, de Prêta, d’animal et d’habitant des Enfers. Les quatre manières dont s’accomplit la naissance sont définies, conformément aux idées brâhmaniques, l’humidité, un œuf, une matrice, une métamorphose[3]. On comprend d’après cela pourquoi le terme de Djâti est défini tantôt par naissance, comme le font les Brâhmanes réfutant les Buddhistes ; tantôt par genre, comme l’entendent d’autres Brâhmanes[4] et une des grandes écoles modernes du Buddhisme[5]. En effet, puisque pour naître il faut entrer dans les six voies de l’existence, naître, c’est revêtir une des variétés de genre qui distinguent les unes des autres les natures animées ; d’où il suit que pour chaque nature donnée, la naissance se confond avec le genre. Je n’en crois pas moins préférable de rendre Djâti par naissance, à cause de la proximité de ces deux conditions, la naissance et la mort, qui marquent les deux termes de la vie apparente de l’individu. De plus, si l’on ne voit pas la naissance dans Djâti, il faudra la chercher,

  1. Abhidharma kôça vyâkhyâ, f. 327 a et b.
  2. Je crois devoir ajouter ici une note que M. Th. Goldstuecker a bien voulu me remettre sur ce terme, et j’en ferai autant pour ceux qui le suivent. Comme c’est à peu près la première fois que j’ai l’avantage de pouvoir consulter, avant l’impression, un juge compétent dans les matières dont je m’occupe, le lecteur me permettra de citer une opinion étrangère, quand même elle ne serait pas tout à fait conforme à la mienne. « Je propose de traduire djarâ maraṇa par usure et destruction ; car je crois que djarâ exprime toutes les conditions qui s’écoulent entre la naissance et la mort, non seulement celles de la dernière époque de la vie, mais le dépérissement qui est la conséquence de chaque instant passé. J’interprète maraṇa par destruction, parce que je suppose que ce terme doit s’appliquer à tout ce qui existe, tant les êtres animés que les inanimés, êtres qui sont également assujettis à l’usure et à la destruction. » M. Goldstuecker a parfaitement raison ici, et c’est dans la même pensée de généralité que j’ai traduit djarâ par décrépitude. Seulement, comme il me paraît manifeste que Çâkya est parti de l’homme pour construire sa théorie des causes et des effets, je ne vois aucun inconvénient à conserver le mot de vieillesse. Les Tibétains traduisent ce terme par rga-chi, « vieux et mort. »
  3. Klaproth, Foe koue ki, p. 288, note.
  4. Colebrooke, Miscell. Essays, t. I, p. 396.
  5. Hodgson, Quot., etc., dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. V, p. 78 sqq.