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DU BUDDHISME INDIEN.

corps de Religieux, s’il eût débuté par des axiomes tels que ceux que je viens de rappeler.

Il n’en est pas moins vrai que le germe des négations les plus hardies de la Pradjnâ est déjà contenu dans les Sûtras, et que le Buddha, par exemple, ou l’homme le plus éclairé, en tant qu’il apparaît au milieu des phénomènes produits par l’enchaînement des causes et des effets, n’a réellement pas plus d’existence que ces phénomènes eux-mêmes. Or la théorie des causes et des effets est aussi familière aux Sûtras anciens qu’à ces grands Sûtras développés que l’on nomme la Perfection de la sagesse. Elle n’est pas plus expliquée dans les uns que dans les autres ; mais elle est exposée et à chaque instant rappelée dans tous. C’est là la partie philosophique vraiment ancienne du Buddhisme, celle que nous pourrions appeler la psychologie et l’ontologie, de même que la théorie des quatre vérités sublimes représente plus particulièrement la morale ; et le Révérend W. H. Mill a été fort heureusement servi par les souvenirs de son érudition classique lorsque, examinant la fameuse formule philosophique par laquelle on attribue au Buddha la connaissance de toutes les causes, il rappelle le vers célèbre Qui potuit rerum cognoscere causas, et nomme Çâkya, l’Épicure de ce grand système oriental[1]. Ce n’est pas à dire toutefois que ces trois parties de la spéculation soient nettement distinguées dans cette double théorie, celle des causes et effets, et celle des quatre vérités. Bien au contraire, les rapports qui unissent entre elles toutes les parties de la philosophie ont (et cela est naturel) frappé les ascètes buddhistes beaucoup plus que les différences qui les séparent, et leur analyse n’a pas nettement tracé le domaine de chacune d’elles. Cette circonstance même est ce qui rend très-difficile à comprendre leur exposition, où se trouvent mêlés des faits de tous les ordres, et où en particulier manque à peu près complètement la distinction de l’esprit et de la matière, c’est-à-dire, pour m’exprimer d’une manière plus conforme aux idées buddhiques, où manque la distinction des phénomènes qui tombent sous les sens d’avec ceux qui leur échappent et que conçoit l’intelligence. En effet, et c’est un point qu’il importe de ne pas oublier, pour le plus grand nombre des Buddhistes qui ne croient qu’au témoignage de l’observation directe, tous les phénomènes, qu’ils soient matériels ou immatériels, sont essentiellement homogènes ; ils ne sont pas fondamentalement différents les uns des autres. Matériels, on les appelle extérieurs ; intellectuels, on les nomme intérieurs ; c’est une simple différence de lieu, et M. Hodgson a pu dire que, selon le plus grand nombre des Buddhistes, notamment des natura-

  1. Journ, Asiat. Soc. of Bengal, t. IV, p. 214 et 215.