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DU BUDDHISME INDIEN.

vois pas davantage d’omniscience. Ne rencontrant pas, ô Bhagavat, ne reconnaissant en aucune manière, nullement, absolument pas aucune de ces conditions, quelle condition formerai-je et instruirai-je ? à l’aide de quelle condition, et dans quelle condition le ferai-je ?

Le nom de Buddha, ô Bhagavat, n’est qu’un mot. Le nom de Bôdhisattva, ô Bhagavat, n’est qu’un mot. Le nom de Perfection de la sagesse, ô Bhagavat, n’est qu’un mot ; et ce nom est illimité, comme quand on dit : Le moi ; car le moi, ô Bhagavat, est quelque chose d’illimité, parce qu’il n’a pas de terme. De même, qu’est-ce que la forme insaisissable, illimitée des conditions dont aucune n’a de nature propre ? Qu’est-ce que la sensation, l’idée, les concepts ? Qu’est-ce que la connaissance insaisissable, illimitée ? De même encore, l’absence d’une nature propre pour toutes les conditions, c’est là l’état de non-limitation. Or l’état de non-limitation de toutes les conditions, ce n’est pas là ce qu’on appelle les conditions elles-mêmes. Comment donc formerai-je, comment instruirai-je dans la Perfection de la sagesse illimitée, au moyen de l’état de non-limitation ? Cependant, ô Bhagavat, ce n’est pas autre part que dans la non-limitation que se rencontrent toutes les conditions, soit celle de Buddha, soit celle de Bôdhisattva, conditions qui marchent vers l’état de Buddha.

Si pendant qu’on parle, qu’on enseigne, qu’on explique et qu’on élucide ainsi ce sujet, la pensée du Bôdhisattva ne se dissout pas, [etc. comme ci-dessus, jusqu’à :] n’éprouve pas de terreur, voici ce qu’il faut reconnaître. Un tel Bôdhisattva marche dans la Perfection de la sagesse, il la comprend ; il réfléchit sur la Perfection de la sagesse, il la médite. Pourquoi cela ? C’est que dans le temps que le Bôdhisattva réfléchit sur ces conditions, d’après la Perfection de la sagesse, dans ce temps-là même il ne conçoit pas la forme, il ne saisit pas la forme, il ne reconnaît pas la production de la forme, il ne reconnaît pas la cessation de la forme. De même il ne conçoit pas la sensation, l’idée, les concepts, la connaissance ; il ne saisit pas ces choses ; il n’en reconnaît pas la production, il n’en reconnaît pas la cessation. Pourquoi cela ? C’est que la non-production de la forme, ce n’est pas la forme ; la non-destruction de la forme, ce n’est pas la forme ; la non-production et la forme, cela ne fait pas deux choses, ce n’est pas une différence ; la non-destruction et la forme, cela ne fait pas deux choses, ce n’est pas une différence. D’autre part, quand on prononce le nom de forme, on ne fait pas le compte de deux choses. De même la non-production de la sensation, de l’idée, des concepts, de la connaissance, ce n’est pas la sensation, l’idée, les concepts, la connaissance ; la non-destruction de la connaissance, ce n’est pas la connaissance ; la non-production et la connaissance, cela ne fait pas deux choses, ce n’est pas une différence ; la non-destruction et la connaissance, cela ne fait pas deux choses, ce