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DU BUDDHISME INDIEN.

trent entièrement. Alors cette réflexion vint à l’esprit du respectable Çâriputtra : Est-ce que le respectable Sthavira Subhûti enseignera la Perfection de la sagesse aux Bôdhisattvas en déployant la force de l’énergie de sa sagesse propre et personnelle, et par la bénédiction de cette force même, ou bien le fera-t-il par la puissance du Buddha ? Alors le respectable Subhûti connaissant avec sa pensée, grâce à la puissance du Buddha, la pensée et la réflexion qui s’élevaient dans l’esprit du respectable Çâradvatî puttra, lui parla en ces termes : Tout ce que les Auditeurs de Bhagavat disent, ô Çâriputtra[1], tout ce qu’ils montrent, tout ce qu’ils enseignent, tout ce qu’ils développent, tout ce qu’ils expliquent, tout ce qu’ils élucident, tout cela doit être reconnu comme l’effet de la force virile du Tathâgata. Pourquoi cela ? C’est que quand ils apprennent l’exposition de la Loi qui est enseignée par le Tathâgata, ils la voient face à face, ils la possèdent avec son caractère de Loi ; et quand ils l’ont vue face à face avec ce caractère et qu’ils la possèdent, tout ce qu’ils disent, tout ce qu’ils montrent, tout ce qu’ils enseignent, tout ce qu’ils développent, tout ce qu’ils expliquent, tout ce qu’ils élucident, tout cela est d’accord avec le caractère de Loi que possède l’enseignement de la Loi fait par le Tathâgata. Ainsi s’explique, ô Çâriputtra, comment il se fait que ces fils de famille, en enseignant ce qui a le caractère de Loi, ne sont pas en contradiction avec ce qui a ce caractère.

Alors Subhûti, grâce à la puissance du Buddha, parla ainsi à Bhagavat : Quand Bhagavat a dit : Déploie ta vigueur, ô Subhûti, en commençant par la Perfection de la sagesse pour les Bôdhisattvas, afin que les Bôdhisattvas la pénètrent entièrement, il s’est servi du terme de Bôdhisattva Mahâsattva. Mais qu’est-ce, ô Bhagavat, que ce nom de l’être qu’on appelle Bôdhisattva Mahâsattva ? Je ne vois pas, ô Bhagavat, l’être qu’on nomme Bôdhisattva ; je ne vois pas davantage l’être qu’on désigne par le nom de « Perfection de la sagesse. » Ne voyant donc, ô Bhagavat, ni Bôdhisattva, ni être de Bôdhisattva, ne comprenant pas, ne saisissant pas cela ; ne voyant pas, ne comprenant pas, ne saisissant pas davantage la Perfection de la sagesse, qu’est-ce que le Bôdhisattva que je dois instruire, et qu’est-ce que la Perfection de la sagesse dans laquelle je dois l’instruire ? Cependant, ô Bhagavat, si pendant qu’on parle, qu’on expose et qu’on enseigne comme je viens de le faire, la pensée du Bôdhisattva ne se dissout pas, ne se fond pas, ne s’affaisse pas, n’éprouve pas de faiblesse ; si elle ne recule pas, si son esprit ne recule pas vaincu, s’il ne s’effraye pas, s’il ne craint pas, s’il n’é-

    jointe, dans les collections de la Pradjñâ et dans les Sûtras développés, au titre de Bôdhisattva ; je me suis cru dispensé de la répéter dans cette traduction.

  1. C’est le nom le plus ordinaire de ce célèbre disciple de Çâkya ; celui de Çâradvatî puttra en est un synonyme.