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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

gavat, tu es semblable à la foule des hommes ; * comme tu dis ce que dit la foule des hommes par suite d’une opinion pareille, tu ne diffères pas d’eux. Mais qu’un Çramana, ô Agnivâiçyâyana, ou un Brâhmane quel qu’il soit abandonne une opinion, sans en adopter une autre, * on dit dans le monde que c’est l’être le plus subtil parmi les êtres les plus subtils. Or il y a, ô Agnivâiçyâyana, trois sujets d’opinion ; et quels sont-ils ? Ici, ô Agnivâiçyâyana, quelques-uns disent, en vertu d’une opinion : Tout cela me plaît. D’un autre côté, ici encore, ô Agnivâiçyâyana, d’autres disent, en vertu d’une opinion différente : Tout cela ne me plaît pas. D’une autre part, ici encore, ô Agnivâiçyâyana, il y en a qui disent, en vertu d’une autre opinion : Ceci me plaît et cela ne me plaît pas. Or ici l’opinion qui fait dire : Tout cela me plaît, aboutit à l’attachement et n’aboutit pas à l’absence d’attachement, aboutit à l’aversion et n’aboutit pas à l’absence d’aversion, aboutit à l’erreur et n’aboutit pas à l’absence d’erreur, aboutit à l’union et n’aboutit pas à la séparation, aboutit à la corruption et n’aboutit pas à la pureté, aboutit à l’augmentation et n’aboutit pas à la diminution, aboutit au plaisir, à l’acquisition, à la cupidité.

La seconde opinion qui fait dire : Tout cela ne me plaît pas, aboutit à l’absence d’attachement et n’aboutit pas à l’attachement, aboutit à l’absence d’aversion et n’aboutit pas à l’aversion, aboutit à l’absence d’erreur et n’aboutit pas à l’erreur, aboutit à la séparation et n’aboutit pas à l’union, aboutit à la pureté et n’aboutit pas à la corruption, aboutit à la diminution et n’aboutit pas à l’augmentation, aboutit à l’absence de plaisir, à l’absence d’acquisition, à l’absence de cupidité. *

Ici, enfin, la troisième opinion qui dit : Ceci me plaît et cela ne me plaît pas, aboutit, en ce qui touche la proposition. Cela me plaît, à l’attachement et n’aboutit pas à l’absence d’attachement [etc. comme ci-dessus, jusqu’à :] aboutit au plaisir, à l’acquisition, à la cupidité ; et en ce qui touche la proposition. Cela ne me plaît pas, elle aboutit à l’absence d’attachement et n’aboutit pas à l’attachement [etc. comme ci-dessus, jusqu’à :] aboutit à l’absence de plaisir, à l’absence d’acquisition, à l’absence de cupidité. Entre ces trois opinions, un Auditeur respectable et qui a beaucoup étudié apprend d’une manière distincte et parfaite ce qui suit : Si j’ai la première opinion et que je dise : Tout cela me plaît, je serai en désaccord avec deux autres opinions, celle qui dit : Tout cela ne me plaît pas, et celle qui dit : Ceci me plaît et cela ne me plaît pas. Du désaccord naîtra la dispute, de la dispute la haine. Reconnaissant donc clairement que cette opinion entraîne avec elle le désaccord, la dispute et la haine, il y renonce et n’en adopte pas une autre. C’est ainsi qu’on peut abandonner, quitter, rejeter une opinion, sans en accepter, sans en admettre, sans en produire une autre.