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DU BUDDHISME INDIEN.

également éloignée (madhyama) des deux opinions extrêmes admises auparavant, savoir que l’âme subsiste éternellement, ou qu’elle est entièrement anéantie, sans doute après la mort[1]. Le Dharma kôça vyâkhyâ n’est pas, ainsi que je le dirai bientôt, un livre dont il soit assez facile de faire usage, pour que j’aie pu en extraire les opinions des Madhyamikâs, qui y sont d’ailleurs rarement cités. Ces opinions appartiennent à ce que j’appelle le moyen âge du Buddhisme ; et les livres qui les renferment ont si peu d’autorité, si ce n’est pour la secte même des Madhyamikas, qu’ils ne font pas partie de la collection des ouvrages réputés canoniques au Tibet, et qu’ils ne se trouvent que dans le Stangyur (Bstankgyur), c’est-à-dire dans la collection des gloses et des ouvrages littéraires[2]. Quant à l’existence de Nâgârdjuna, j’y reviendrai dans mon esquisse historique du Buddhisme indien ; ce qu’il importe d’examiner en ce moment, ce sont les noms de ces quatre écoles, celles des Sâutrântikas, des Vâibhâchikas, des Madhyamikas et des Yôgâtchâras.

Or ces quatre écoles sont exactement celles dont parlent les Brâhmanes réfutant les Buddhistes ; ce sont celles que cite le fameux vêdantiste, Çam̃kara âtchârya. Elles sont, comme l’a fait remarquer Colebrooke, antérieures à la rédaction des Brahma sûtras brâhmaniques[3]. Elles le sont également au vie ou au viie siècle de notre ère, puisque celle des Yôgâtchâras reconnaît pour fondateur le philosophe Ârya sam̃gha, que Csoma place vers cette époque. Leur authenticité établie par les citations que je viens d’emprunter au commentateur de l’Abhidharma kôça est confirmée encore, s’il était nécessaire qu’elle le fût, par le témoignage des Brâhmanes eux-mêmes. Sans doute il nous reste encore beaucoup, je devrais dire presque tout à apprendre sur ces écoles ; mais ce n’est pas du premier coup qu’il est possible d’achever le tableau d’une doctrine aussi vaste et aussi compliquée que le Buddhisme. Traçons-en d’abord le cadre, et espérons que des dévouements semblables à ceux de MM. Hodgson et Csoma donneront à l’Europe savante les moyens de le remplir plus tard. En attendant, je regarde comme un résultat fort curieux de mes études de pouvoir constater que l’une des compositions les plus étendues de la littérature savante du Népâl nous donne, quant à l’exposition des écoles philosophiques, des renseignements qui s’accordent aussi bien avec ceux que Colebrooke empruntait, il y a déjà

  1. Analys. of the Sher-chin, dans Asiat. Res., t. XX, p. 400. Je ne me flatte pas de comprendre ce qu’a voulu dire Csoma dans cet endroit.
  2. Csoma, Asiat. Res., t. XX, p. 400.
  3. Colebrooke, Miscell. Essays, t. I, p. 292, note. Je regrette bien vivement de ne pouvoir consulter le Commentaire de Çam̃kara sur les Brahma sûtras. Il eût été pour moi du plus grand intérêt de rechercher si les axiomes de philosophie buddhique cités par ce Commentaire se retrouvent dans les livres du Népâl que j’ai sous les yeux et qui servent de base à mes recherches.